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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/274

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LES MANGEURS DE CARIBOUS

repris leur marche. Vers midi, ils atteignirent une loge sauvage, dressée à la pointe Caribou. Les Indiens examinèrent la plaie que leur montra le Père Breynat. Voyant la matière s’en dégager déjà, ils lui dirent qu’il ne devait plus songer à sauver son orteil. Afin de préserver le reste du pied, ils le lui enveloppèrent avec des peaux de lièvre.

Le blessé courut encore cinq jours, sentant les os se déboiter et les nerfs se contracter dans la chaleur de son lourd pansement.

Le septième soir, on parvint à la pointe de Roche, à 60 kilomètres de la Nativité, distance qui pouvait se couvrir en une seule attelée, à la condition de partir de grand matin. Mais une poudrerie se leva pendant la nuit, et il devint impossible de discerner un point de repère vers le large. Il fallut chercher un abri dans le bois, et y rester les deux jours que dura la tourmente.

Au moment de reprendre la course, le père tomba sur place : sa jambe se dérobait, comme si elle eut été arrachée. Dès le second jour, il avait déchargé les quartiers de renne, espérant se reposer sur le traîneau ; mais il n’avait jamais pu y tenir au delà de quelques minutes, tellement le froid était intense. Cette fois, il n’y avait plus d’alternative. Paulazé enveloppa son infirme de toutes les couvertures, de branches de sapin, de neige ; et, doucement, deux journées durant, il le carriola vers la mission.

Cependant l’anxiété était grande à la Nativité. Des sauvages, qui avaient suivi les traces du traîneau en détresse jusqu’à la pointe de Roche, et là les avaient perdues, avaient bravé la tempête, gagné la mission, et annoncé à Mgr Grouard la condition du missionnaire, qu’ils avaient apprise en passant à la pointe Caribou. « — Depuis la pointe de Roche, assuraient-ils, le père et Paulazé ont perdu leur chemin : ils se seront gelés dans la poudrerie ! »

Il y avait donc trois jours que les Oblats et les Sœurs Grises étaient en alarmes et en prières, trois jours que les sauvages du fort, à la supplication de Mgr Grouard, battaient le lac, sans rien découvrir, quand le traîneau-ambulance fut aperçu. À le voir monter, ainsi couvert, lentement, les chiens abattus, vers le rocher d’où il l’observait, Monseigneur crut que Paulazé lui ramenait le corps inanimé