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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/280

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LES MANGEURS DE CARIBOUS

Dans le cahier-journal du Fond-du-Lac, il y a ce petit compte-rendu, qui en dira aussi long que l’on voudra :


Au lendemain de la Toussaint (1893), le père partait pour une visite dans les camps sauvages, situés au nord de la mission. Il ne faisait que répondre au désir de ses enfants et tenir sa promesse. Son voyage lui prit 35 jours ; et s’il eut à souffrir beaucoup du mauvais temps pour aller, il eut la consolation de faire plaisir aux pauvres, sauvages, d’entendre un grand nombre de confessions, parmi lesquelles celles de bonnes vieilles qui n’avaient pu voir le père depuis longtemps, à cause de la distance, quelques premières confessions et celles de vieux retardataires qui se donnèrent au bon Dieu quand ils se virent poursuivis si loin.[1]


Les successeurs du Père Breynat, particulièrement les

  1. Ces missions des camps sont, comme vient de l’indiquer le Père Breynat, bien consolantes ; et le missionnaire ne regrette pas les grandes fatigues qu’elles comportent toujours. Une fois parmi les familles groupées pour le recevoir, il en est constitué comme le roi. Il est juge de paix, huissier, scribe, médecin (les étudiants-missionnaires devraient être nantis de connaissances médicales avancées, théoriques et pratiques). Il est prêtre surtout.

    Dès son arrivée, il organise une retraite générale, dont voici l’usuel programme : Choix de la maisonnette la moins sale — si maisonnette il se trouve, — pour servir de chapelle ; expulsion des chiens, attelages, hardes, tas de viande sèche et d’ordures. Tout l’appartement est au bon Dieu, sauf un recoin, où l’on dispose les couvertures de nuit du missionnaire. Quand l’autel est dressé, le tam-tam convoque le peuple à l’ouverture de la mission. Office du soir : cantique, chapelet, sermon, prière du soir et baptêmes, s’il y a lieu. Office du matin : prière du matin, sainte messe, cantiques et sermon. À midi, instruction aux enfants et catéchisme pour tout le monde. À certain jour déterminé, suspension des exercices pour permettre au. missionnaire d’aller voir les malades. Tous les temps libres sont employés à entendre les confessions et à écouter les doléances. Après quelques jours, communion quotidienne de tous ceux qui en sont jugés dignes. La plantation d’une grande croix couronne souvent le travail apostolique. Lorsque les Indiens repassant par ces lieux verront cette croix, ils se souviendront des instructions du père, et chaque fois ils iront prier près d’elle.

    La clôture de la retraite est ordinairement faite par la disette. Les provisions du père étant mangées les premières, on l’invite à la table commune. Celle-ci épuisée à son tour, la dispersion s’impose. Les chasseurs reprennent le bois, à la poursuite des fauves, et le missionnaire retourne chez lui, en jeûnant. Il rentrera amaigri, « faisant pitié », mais heureux d’avoir fait du bien.

    Parfois cette mission projetée, combinée, préparée depuis longtemps, n’a même pas lieu. Le père se met en route, à l’époque convenue, et, au bout de trois jours, six jours de voyage, il trouve le camp déserté. Il comprend : la famine imprévue est arrivée, et le camp a été forcé de s’enfuir dans la forêt, sans savoir où il s’arrêterait… C’est en ces circonstances que la Providence préserve manifestement la vie du missionnaire.