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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/327

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AUX GLACES POLAIRES

teurs et les époques ; mais tous conviennent de se proclamer les fils du chien. Depuis que la Révélation leur a appris l’histoire de l’humanité, ils conservent, en chanson de geste, les récits des aïeux, les croyant encore à demi, tant l’homme est constitué traditionaliste, quoiqu’il en veuille.

Les coureurs-des-bois traduisirent avec exactitude la dénomination indienne, Lin-tchanrè : Plats-Côtés-de-Chiens, Flancs-de-Chiens, Dogribs. Les plates-côtes sont le morceau de choix dans la boucherie sauvage ; et les Plats-Côtés-de-Chiens ne pouvaient se réclamer d’une partie plus noble de l’animal que tous les Dénés tiennent pour le plus ignoble de tous, mais que la fatalité leur infligea pour père. Chien, dans leur estime, c’est encore le vil étranger, le barbare du dernier étage ; Flanc-de-Chien, au contraire, c’est le motto héraldique, le blason d’orgueil des hommes, des Dénés par excellence. Ce qu’apprenant, Louis Veuillot écrivait aux philosophes du Vieux-Monde, dans son Evêque pouilleux : « Les Plats-Côtés-de-Chiens ont la vanité de descendre d’un grand chien, comme plusieurs de nos savants ont l’humilité de remonter à un grand singe. »

Il arriva — faveur inouïe — qu’un missionnaire fut si bien trouvé à leur image et ressemblance, par le conseil des sages, qu’il reçut l’estampille de la lignée, et qu’on l’appela le Yialtri-Lintchanrè, le Priant Plat-Côté-de-Chien. Au Père Duport cet honneur. Ce qu’il en ressent de gloire ! Lorsqu’il quitta la tribu, pour prendre la direction de la mission Saint-Joseph, les Plats-Côtés-de-Chiens ne cessaient d’envoyer des parlementaires au fort Résolution :


Ah ! notre Père Plat-Côté-de-Chien, tu étais bien comme nous autres : tu courais, tu parlais, tu riais, tu avais des poux, tu faisais pitié, comme nous. Quand reviendras-tu ? Reviens donc, reviens : tu étais un vrai Plat-Côté-de-Chien. Jamais on n’aurait pensé qu’un Blanc pouvait devenir Plat-Côté-de-Chien, comme tu l’es devenu. Oui, reviens chez nous. Les vieux de la tribu ont parlé…


Les Flancs-de-Chiens occupent le territoire qui s’étend des Couteaux-Jaunes aux Esquimaux, c’est-à-dire les rivières et les lacs échelonnés entre le Grand Lac des Esclaves et le Grand Lac de l’Ours. Ils passent l’été dans les terres stériles, et l’hiver dans les bois attenants, comme le renne,