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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/341

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AUX GLACES POLAIRES

Le Pape Pie x aima les Plats-Côtés-de-Chiens, dont il se fit raconter la vie par le Père Roure.

Le Père Roure avait passé 35 ans avec eux, sans les quitter d’un jour, quand il leur annonça qu’il avait reçu la permission d’aller revoir son pays de France, « par delà les grandes terres et le grand lac salé ». Émotion de la tribu, grand conseil des vétérans qui décident de demander au père de se rendre jusqu’au Très Grand Chef de la Prière, pour lui présenter tous les cœurs contents des Lintehanrè. Ils apportent au missionnaire cent paires de mocassins, « vu qu’il usera bien cela, pour faire un si long voyage ». Au Pape, ils envoient un morceau de pémican fait exprès pour lui par la sauvagesse la plus pieuse, une grasse langue fumée de caribou et une paire de souliers fins en peau de renne, damassés en poil de porc-épic.

— Avec cela, le Chef des Grands Chefs de la prière sera content, je pense, dit le chef des Plats-Côtés-de-Chiens.

Oui, le Pape fut content ; si content qu’il riait, comme il n’avait peut-être ri depuis qu’il avait dit adieu à sa gondole de Venise, en apprenant ces nouvelles, et d’autres meilleures, de la bouche du Père Roure. Il prit le pémican, la langue, les mocassins ; les palpa ; respira leur bonne odeur sauvage ; goûta… un peu ce qui pouvait être goûté, et mit le tout dans un rayon de sa bibliothèque privée, en bénissant les bons Indiens, et peut-être en songeant que si tous les fidèles confiés à sa houlette ressemblaient à ses enfants des bois, il serait le radieux Pasteur d’un bercail qui connaît Jésus, et que Jésus connaît.