Aller au contenu

Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
AUX GLACES POLAIRES

protégés, nourris même au besoin, par l’État ; mais comme des détenus, condamnés à s’étioler toujours davantage, loin du soleil et de l’espace.


Il faut avoir vu, disait Mgr Taché, l’indomptable sauvage se dresser au milieu des immenses prairies ; se draper, avec complaisance, dans sa demi-nudité ; promener son regard de feu sur des horizons sans bornes ; humer une atmosphère de liberté qui ne se trouve nulle part ailleurs ; se complaire dans une sorte de royauté qui n’avait ni les embarras de la richesse, ni la responsabilité de la dignité ! Il faut avoir vu cet infatigable chasseur, élevant jusqu’à une sorte d’enthousiasme religieux les péripéties, les chances et les succès d’une chasse qui jamais n’a eu de pareille ! Oui, il faut avoir vu tout cela, et voir le sauvage d’aujourd’hui, traînant sa misère, privé de son incomparable indépendance, dans un état continuel de gêne et de demi-jeûne, ayant ajouté à ses vices les dégoûtantes conséquences de l’immoralité des blancs ! Il faut avoir vu tout cela, et l’avoir vu sous l’influence de la sympathie, pour comprendre tout ce que souffrent les sauvages d’aujourd’hui.


Depuis 1880, date de ces lignes de Mgr Taché, les sauvages n’ont pas fini de souffrir. Ils n’ont fait que s’acclimater, pour ainsi dire, à ces souffrances, qui les ont réduits à quelques groupements de familles, si petits et si étrangers les uns aux autres que les unions consanguines, auxquelles ils sont comme forcés désormais, ont commencé à rendre inévitable leur extinction définitive.


L’Église eût enrayé l’immolation du Peau-Rouge, si on l’eût écoutée. Elle en retarda du moins l’agonie. Sa pitié maternelle et sa charité divine veilleront toujours sur les bons, sur les convertis. Son apostolat continuera de disputer les autres à l’étreinte du protestantisme. Elle poursuit au fond de leur retraite les quelques centaines d’infidèles, qui refusèrent les pactes du gouvernement, et choisirent de reculer toujours plus loin dans leurs forêts, dernier refuge de leur indépendance et de leur paganisme. Divine Consolatrice, elle restera, jusqu’à la fin, pour endormir sur son cœur les derniers baptisés de ces fières tribus.

Le bienfait de la foi a donc été la compensation miséricordieuse accordée par Dieu aux dernières générations. Ce travail, entrepris au xviie siècle, sous la domination française, ralenti au xviiie, sous la persécution anglaise, s’est