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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/386

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LES PEAUX-DE-LIÈVRES

salarié du commis, qu’ils y trouvèrent, les dissuadait de continuer, attendu que la tempête du commencement de mars avait dû combler les sentiers et ensevelir les balises.

Mais le missionnaire avait donné sa parole, et Alphonse n’était que confiance. Ils passèrent outre.

Le vieillard avait bien dit : plus de sentiers, plus de balises. À chacun des nombreux lacs enserrés dans les bois, et qu’il fallait traverser, c’était cent détours pour trouver la reprise du chemin. Il neigeait. Il faisait froid.

Onze jours passèrent, qu’ils marchaient encore. Les provisions des chiens étaient épuisées, et celles des hommes étaient à bout. Aux chiens, ce onzième soir, on donna pour souper le sac de peau qui enveloppait la chapelle portative.

Le lendemain matin, trois chiens moururent dans leurs traits.

Les voyageurs mirent en cache traîneau, ustensiles, chapelle et couverture de nuit, prirent le reste des vivres, et comptant n’être plus loin du camp indien, malgré l’apparence de mort que présentait la forêt blanche et muette, ils continuèrent à marcher.

Le quatrième chien, le plus petit, tout affectueux, et pour cela appelé Fido, les suivit.

L’après-midi, un sentier, battu des hommes et des bêtes, parait enfui. Tout à la joie, ils oublient qu’ils sont accablés de fatigue et de jeûne ; ils accélèrent la marche. Mais une inquiétude assombrit bientôt leur espoir : Alphonse, penché sur toutes ces pistes, avec ses yeux d’Indien, ne distingue aucune empreinte récente : la neige de mars n’est pas tombée ici, voilà tout. Au loin, pas d’aboiement, pas de cris d’enfants.

Ils vont toujours.

Sur les cinq heures, ils débouchent au milieu du campement des Flancs-de-Chiens. Il est vide. Personne, rien ! Sur les braises des foyers, une couche épaisse de frimas.

— Partis, depuis longtemps, dit Alphonse : ils jeûnaient… Ils n’ont rien laissé !

Fiévreusement, aux dernières lueurs du jour, le missionnaire cherche un mot écrit sur l’écorce d’un bouleau, un piquet incliné, un sapin encoché, un signe qui indiquât.