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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/393

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AUX GLACES POLAIRES

m’engageai donc pas trop en leur promettant une messe à minuit.

Il était à peine huit heures et demie, que le chef m’envoyait demander si l’heure de la messe était arrivée. Je congédiai les envoyés, en les assurant qu’on sonnerait la cloche, et qu’on ne commencerait pas la prière, avant que tous fussent arrivés. Néanmoins, plusieurs, craignant de manquer l’appel, couchèrent à la chapelle… Enfin l’heure arriva ; je sonnai ma cloche et j’allumai les cierges (chandelles de suif) du sanctuaire. Bientôt tout mon monde fut réuni dans la grande salle, séparée du sanctuaire par un rideau. On tira le rideau : tous tombèrent à genoux, ébahis devant tant de lumières. L’autel en était couvert, la crédence aussi. Jamais il n’en avait tant vu dans notre petite chapelle : on en pouvait compter à peu près deux douzaines. C’était beau !

L’office commença. Ce fut d’abord un cantique de Noël : Il est né, le divin Enfant, en montagnais. Tout le monde chantait à pleins poumons. Puis, je prêchai sur la fête de Noël. Jamais je ne fus mieux écouté. Après le sermon, encore des cantiques, de plus en plus entraînants. Alors la grand’messe, une messe votive de l’immaculée Conception.’A la place du gloria j’entonnai un autre Noël. Idem au credo. À la communion, tous s’approchèrent de la sainte Table. Après la messe, bénédiction du Saint-Sacrement, et un dernier cantique. La prière de la nuit avait duré trois heures. Mes sauvages étaient ravis. Ce fut un beau jour pour eux, pour moi ; et, j’ose l’espérer, le bon Dieu fut content de nous.

C’est ainsi que le 17 décembre, en plein Avent, je célébrai pour la première fois la fête de Noël, à la mission Sainte-Thérèse. Le soir, tous mes chers enfants s’éloignaient, heureux d’avoir eu leur prière de la nuit ; mais le cœur gros de ne pouvoir rester plus longtemps, auprès de moi. Cependant le chef répétait :

— Ah ! le prêtre, c’est comme le bon Dieu ; ce qu’il veut, il le peut !


Pour ceux qui connurent le Père Ducot, « à cheval sur les rubriques », comme jamais ne le fut chevalier missionnaire de ces contrées, si rebelles à telles chevauchées, ce récit aura une saveur toute particulière.


La ponctualité, la précision, l’exactitude marquèrent tous les actes, paroles et écrits du Père Ducot.

Ses sermons, pour cinquante, pour dix, pour un seul auditeur, étaient scrupuleusement rédigés, appris, et donnés avec une flamme !… non toutefois que l’élocution de source manquât à ce bon fils de Gascogne, mais à cause du respect qu’il avait pour la parole de Dieu.