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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/422

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LES LOUCHEUX

les Indiens de l’endroit. Le Père Séguin dut alors borner son ministère passager ail camp de la Rivière Rouge Arctique, tout en soupirant après un Oblat qui pût demeurer parmi tous les Loucheux et assurer leur salut.


Cet Oblat, ce missionnaire, fut enfin trouvé par Mgr Faraud. C’était le Père Constant Giroux. Débarqué au fort Good-Hope, en juillet 1888, le Père

Giroux prit contact avec les Loucheux au printemps 1889. Le 28 avril 1890, instruit de leur langue et rompu à la vie polaire, il arriva, pour y résider définitivement, au fort Mac-Pherson.


Il défricha aussitôt l’emplacement de la mission ; puis, assisté d’un sauvage, il se mit à équarrir le bois nécessaire pour une maison de six mètres sur cinq. À la débâcle, il amassa deux radeaux de troncs d’arbres ; et, le 21 juin, lorsque le Père Lefebvre, conduit par Mgr Grouard, toucha Mac-Pherson, en route pour la mission esquimaude qu’il venait explorer, les visiteurs trouvèrent les fondations de la maison déjà jetées.


Deux fois, le Père Camille Lefebvre repassa au fort Mac-Pherson, venant du fort Good-Hope afin d’évangéliser les Esquimaux. En 1892, il s’arrêta sous le toit du Père Giroux, et devint son socius, son compagnon de solitude.


De cette résidence, tous deux portèrent la vérité du salut jusque dans l’océan Glacial. C’est ainsi que deux fils de la Province de Québec eurent, et retiennent encore, l’honneur d’avoir annoncé l’Évangile à la latitude la plus septentrionale de l’apostolat catholique.


Les Pères Giroux et Lefebvre luttèrent ensemble, six années durant, contre le froid[1], contre la faim, contre la pauvreté, contre l’isolement, contre les agressions de

  1. Il fait si froid, à la rivière Peel, qu’en tout janvier et décembre 1892, par exemple, le thermomètre centigrade se tint constamment entre 40° et 53° au-dessous de zéro. Plus loin que le fort Good-Hope, l’on ne songe plus à récolter un légume. Le sol y est à jamais gelé ; et la chaleur même de l’été, souvent torride (elle dépasse parfois, à l’ombre, la température du sang humain), n’y portera point remède. Cet été d’équateur, trop court pour amollir la terre et laisser mûrir les plantes, ne semble bon qu’à faire éclore ces peuplades incroyablement denses de maringouins, dont parlait le Père Giroux, au sujet du Père Séguin, son prédécesseur dans la région polaire.