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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/97

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dit n’est entravé, dans les 2.000 kilomètres de son cours, que par trois ou quatre rapides, qu’il suffit de connaître pour les aborder impunément : l’un dans la plaine, les autres parmi les montagnes. Un vapeur peut remonter ce fleuve, de son delta à sa source, qui n’est autre que le Grand Lac des Esclaves, traverser ce lac, s’engager dans la rivière des Esclaves, et suivre celle-ci, sans arrêt, jusqu’au fort Smith, soixantième degré de latitude et limite sud du vicariat du Mackenzie[1].

Au fort Smith, sur 35 kilomètres continus de la rivière des Esclaves, se dresse la barrière invincible, des rapides et des cascades qui furent le tombeau des Pères Brémond et Brohan[2]. On s’aventura d’abord sur quelques extrémités de la rive droite de ces rapides, mais au prix de grands dangers, de plusieurs naufrages et de trois longs portages sur des côtes horribles. Puis, un portage définitif de 25 kilomètres, et permettant d’éviter complètement toute la chaîne des rapides, fut pratiqué dans la forêt qui longe la rive gauche[3].

  1. En tout, 2.500 kilomètres ininterrompus depuis la mer Glaciale. Le jour viendra, sans doute, où des vaisseaux océaniques arriveront au fort Smith, de toutes les mers du monde, par le détroit de Berhing, aussi facilement qu’à Montréal, par le Saint-Laurent, quoique en une plus brève saison. Les dragages dans le delta du Mackenzie, aux abords du Grand Lac des Esclaves, dans certains méandres où s’accumulent les alluvions, et le déblaiement d’un passage dans les rapides ouvriraient aisément cette voie. Jusqu’ici, les vapeurs en usage ont dû prendre une forme qui ne demande qu’un faible tirant d’eau ; et encore vont-ils échouer sur les hauts-fonds. Ces quilles trop plates rendent la traversée des lacs particulièrement dangereuse.
  2. Cette barrière des rapides du fort Smith est tellement invincible que les poissons eux-mêmes ne purent l’escalader. L’on en tient la preuve dans ce fait que l’on ne trouva jamais, en amont de ces rapides, un seul spécimen d’une espèce répandue dans toutes les rivières et dans les lacs du Nord communiquant avec la mer Glaciale, et que l’on pêche, en abondance parfois, au pied même du dernier rapide du fort Smith. Le nom scientifique de ce poisson est le saumon du Mackenzie (Mackenzii salmo). Son nom vulgaire, seul usité, est l’inconnu. L’inconnu est de belle taille et fort apprécié des gens du Nord. Il tire sur la forme du saumon de la Colombie, mais sa chair est blanche.
  3. Un portage est un chemin de terre destiné à faire passer un convoi d’une eau navigable dans une autre, soit que ces eaux, en réalité, ne communiquent pas entre elles, soit qu’elles offrent des conditions trop accidentées ou une profondeur insuffisante à la flottaison. Tout est débarqué sur le rivage et porté à dos par l’équipage. Les embarcations sont portées ou traînées, selon leur poids.

    Les portages exécutés au fort des chaleurs, dans les cailloux et les