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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/225

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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


balance juste. Aristote n’use pas explicitement de cette comparaison ; mais elle est si parfaitement adaptée à sa pensée que ses plus fidèles commentateurs ne se sont pas fait faute de l’employer. Nous la devinons, notamment, dans la Paraphrase de Thémistius[1].

Aristote, d’ailleurs, ne cherche pas à pénétrer plus avant dans l’analyse de cette condition d’équilibre ; il ne tente pas d’indiquer avec précision quel est ce point, milieu (τὸ μέσον) qui, dans la terre ou dans une masse grave quelconque, doit coïncider avec le centre de l’Univers pour que la masse n’ait plus tendance à se mouvoir. La comparaison de ce problème d’équilibre avec celui de la balance dut, aux physiciens venus après Archimède, suggérer l’idée que ce point était identique au centre de gravité ; l’immobilité indifférente de la terre dont le milieu coïncide avec le centre de l’Univers se trouvait alors analogue à l’équilibre indifférent d’une masse pesante suspendue par son centre de gravité. De cette assimilation, nous trouvons la trace au Commentaire de Simplicius.

Simplicius, étudiant[2] le passage d’Aristote que nous venons de citer, fait un rapprochement, bien vague encore, entre le milieu du grave, dont le Stagiritea parlé, et le centre de gravité considéré par Archimède. Il regarde l’objection examinée par Aristote comme engendrée par les recherches « que les mécaniciens nomment les Centrobaryques (ϰεντροϐαριϰά) ; car les Centrobaryques, au sujet desquels Archimède et plusieurs autres ont énoncé des propositions nombreuses et fort élégantes, ont pour objet de trouver le centre d’une gravité donnée. Il est clair que l’Univers, [c’est-à-dire la terre, supposée sphérique], aura même centre de grandeur et de gravité. »

Simplicius, dans la discussion de la pensée d’Aristote, s’inspire, à plusieurs reprises, d’Alexandre d’Aphrodisias ; il nous rapporte[3] en ces termes l’opinion de ce commentateur :

« C’est fort élégamment qu’Alexandre ajoute à ce qui précède la cause en vertu de laquelle la figure de la terre n’est pas exactement sphérique : ce fait, il l’attribue à l’hétérogénéité de la terre et au poids inégal de ses parties (τὸ ἀνομοιομερὲς τῆς γῆς ϰαὶ

  1. Themistii peripatetici licidissimi Paraphrasis in Libros Quatuor Aristotelis de Coelo nunc primum in lucem edita, Moyse Alatino Hebraeo Spoletino Medico, ac Philosopho Interprete. Ad Aloysiuni Estensem Card, amplissimum. Venetiis, apud Simomem Galignanum de Karera, MDLXXIIII. Fol. 38, verso. — Themistii In libros Aristotelis de Caelo paraphrasis, hebraïce et latine. Edidit Samuel Landauer, Berolini, MCMII. P. 141.
  2. Simplicii In Aristotelis libros de Cœlo commentarii. lib. II, cap. XIV ; éd. Karsten, p. 243, col. a ; éd. Heiberg, p. 543.
  3. Simplicius, loc. cit., ; éd. Karsten, p. 244, col. a ; éd. Heiberg, p. 546.