Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


cadrent en longueur, en largeur et en profondeur avec leurs intervalles primitifs.

» Ce temps contient une innombrable suite d’années, car les circuits parcourus par les étoiles errantes ne sont pas égaux entre eux, en sorte que ces étoiles accomplissent nécessairement leur cours en des temps inégaux. »

Chalcidius rappelle alors les diverses inégalités dont sont affectées les marches des planètes ; puis il poursuit en ces termes :

Au terme de la Grande Année, « il faut que rien, absolument rien, ne diffère, dans le dessin du Ciel, des positions relatives, de l’aspect, des figures que les astres présentaient au début ; il est nécessaire que l’ensemble des étoiles présente le même accord et reproduise la même conformation. Si donc un des feux célestes reprend, par rapport à la constellation où il se trouvait d’abord, un état identique, peut-être, en longitude, mais dont la latitude ne représente pas la latitude primitive ; ou bien encore, si l’un de ces astres a été ramené à un état qui, en toutes dimensions, reproduit exactement l’état primitif, tandis que les autres planètes, dont la condition est différente, ne sont point du tout parvenues à cette représentation parfaite de l’état initial ; il faut que cette étoile même qui, pour son propre compte, réalisait cette représentation parfaite, éprouve un nouveau changement de position, et cela jusqu’à ce qu’arrive cette favorable disposition des étoiles qui reproduira exactement l’aspect présenté par les astres au commencement du Monde.

» Il n’est pas à croire que ce mouvement, que cette configuration amènent la ruine et la dissolution du Monde ; il faut bien plutôt penser que le Monde en recevra une autre création, et comme une nouvelle verdeur placée sous les auspices d’un mouvement nouveau ; je ne sais si cette rénovation produira, en certaines régions de la terre, le moindre dommage. »

Ainsi s’exprimait, au sujet du renouvellement périodique du Monde au terme de chaque Grande Année, un platonicien qui, vraisemblablement, était juif.

Seule, la Philosophie chrétienne repoussera cette thèse selon laquelle l’Univers est éternel et périodique. Lorsque nous étudierons la Physique des Pères de l’Église, nous entendrons Origène, Némésius, Saint Augustin, condamner à l’envi la doctrine de la Grande Année. Mais cette doctrine, le Paganisme ne paraît pas l’avoir révoquée en doute.