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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/337

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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


sur l’extrémité de la pipette et aspiré doucement, l’air qui était, dedans est tiré et, avec lui, le corps liquide qui se trouve en bas de la pipette parce qu’il est adhérent à l’air, qu’il y adhère à la façon de la glu ou par tout autre mode d’attache. » Enfin les instruments divers décrits par Philon et ses élèves ne sauraient, si on les appliquait à la terre, la soulever comme ils soulèvent l’eau, par ce que la terre n’a pas avec l’air la contiguïté parfaite qui unit l’eau à ce fluide.

Malheureusement, l’écrit qu’Alexaudre avait composé sur le De Cælo d’Aristote ne nous est pas parvenu. Ce que nous savons de la discussion dont nous venons de parler, nous ne le connaissons que par le commentaire de Thémistius sur le même ouvrage ; et de ce dernier commentaire même, nous n’avons qu’une connaissance bien imparfaite. Il avait été traduit du Grec en Syriaque, du Syriaque en Arabe, enfin de l’Arabe en Hébreu ; aujourd’hui, texte grec, texte syriaque, texte arabe sont également perdus ; le texte hébraïque reste seul : au xvie siècle, une version latine en avait été imprimée[1] ; plus récemment, il a été lui-même publié avec une nouvelle version latine[2]. Que de trahisons ont pu s’accumuler au cours de ces traductions successives !

« L’eau, disait Alexandre, au rapport de Thémistius[3], peut-être, par violence, tirée vers le haut. Ainsi, par la cavité d’une pipette ou de quelque vase semblable, la succion de la bouche la tire vers le haut ; en effet, l’extrémité inférieure de l’air qui se trouve dans la pipette, extrémité qu’Aristote appelle la surface de cet air, est liée à l’étendue de l’eau qui se trouve au-dessous d’elle ; cette étendue par laquelle les deux corps ne font qu’un, il admet qu’elle est unique ; c’est-à-dire que cette surface est attirée lorsqu’on attire l’air qui se trouve dans la pipette et, avec elle, l’eau est également attirée ; celle-ci se trouve donc attirée par l’effet de la traction de l’air… Ainsi[4] ont coutume de faire les corps lents à se mouvoir et doués de viscosité, qui servent à coller, lorsqu’on fait adhérer à ces corps un solide, un morceau de bois par exemple ou quelque chose de semblable, et qu’on le soulève ensuite…

  1. Themistii Peripatetici lucidissimi Paraphrasis in Libros Ouataor Aristotelis de Cœlo nunc primum in lucem edita. Moyse Alatino Hebraeo Spoletino Medico, ac Philosopho Interprete. Ad Aloysium Estensem Card. Amplissimum. Cuin Privilegio. Uenetiis, apud Simonem Galiganum de Karera. MDLXXIIII.
  2. Themistii In libros Aristotelis de Cœlo Paraphrasis, hebraice et latine. Edidit Samuel Landauer, Berolini, MCMII.
  3. Themistii Op. laud., lib. IV ; éd. 1572, fol. 64, verso, et fol. 65, recto ; éd. 1902, p. 241.
  4. Ce passage ne se trouve pas dans le texte publié en 1902 ; il y est remplacé par une phrase relative aux ventouses.