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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/388

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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


bout de peu de temps, où la puissance qui réside en cet air se trouve affaiblie au point que le mouvement naturel du projectile vers le bas la surpasse en force.

» L’air se meut aisément ; mais pour être mû et transporté, il a besoin d’un certain principe ; ce principe, il le prend dans l’impulsion violente du projectile (δεόμενος ἀρχῆς τινος πρὸς τὸ ϰινεῖσθαί τε ϰαὶ φέρεσθαι, ταύτην λαϐὼν ἐν τῇ τοῦ ῥιπτομένου μετὰ βίας ἀφέσει) ; comme il est, en quelque sorte, adhérent au projectile, la compression le fait affluer sur ce projectile ; par une action violente, il met en branle la marche en avant et l’impétuosité de ce projectile, alors même que la machine balistique ne lui est plus présente ; il en est ainsi jusqu’au moment, qui survient au bout de peu de temps, où ce transport violent, produit par la compression, s’affaiblit.

» Ainsi s’explique le mouvement d’un projectile au sein d’un milieu plein. »

Simplicius nous a livré toute sa pensée avec son habituelle clarté ; c’est la poussée de l’air en mouvement qui fait progresser le projectile ; mais c’est l’impulsion du projectile qui ébranle l’air. C’est bien la théorie de l’ἀντιπερίστασις, telle que les Questions mécaniques l’avaient sommairement indiquée.


V
LE MOUVEMENT DES PROJECTILES. — LA THÉORIE DE JEAN PHILOPON

Cette théorie de l’ἀντιπερίστασις, qui prend l’air comme cause du mouvement du projectile et le projectile comme cause du mouvement de l’air, Aristote et, après lui, Alexandre d’Aphrodisias et Thémistius ont compris qu’il était absurde de la regarder comme une explication. Mais l’explication à laquelle ils accordaient leur confiance est-elle moins absurde ? N’est-il pas ridicule de chercher dans le mouvement, si pauvre d’énergie, qu’un choc communique à l’air la puissance qui empêche un dard pesant de tomber et qui l’entraîne avec violence ? D’ailleurs, cette puissance par laquelle l’air demeure un certain temps en mouvement et reste capable de mouvoir d’autres corps après que le moteur qui l’a mis en branle a cessé d’agir, cette puissance par laquelle il est devenu, fût-ce pour peu de durée, automobile, πρὸς ὀλίγον αὐτοϰίνητος, n’est-elle pas en contradiction avec le principe même de la Dynamique péripatéticienne ? L’air et les autres fluides n’usurpent-ils