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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/408

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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


fixes ou errants, et c’est la projection de cette marche qu’ils s’étaient proposés de figurer par leurs combinaisons géométriques. Mais cette projection constitue-t-elle tout ce qu’en ce cours des astres, la vue peut percevoir et l’esprit concevoir ? Ne peut-on se demander si la distance de chaque corps céleste à la Terre demeure fixe, si elle ne varie pas de grandeur tandis que ce corps se projette en des lieux différents de la sphère ? Ces variations de distance, ne peut-on pas, au cas où elles se produiraient, en constater la réalité ? Ces questions, nous ignorons si les auteurs de l’Astronomie des sphères homocentriques s’en étaient souciés ; leur système suppose, en tous cas, qu’ils les avaient résolues par la négative, car, en ce système, la distance d’un astre quelconque à la Terre demeure nécessairement invariable.

Il semble, cependant, qu’ils eussent dû se préoccuper de savoir si les astres demeuraient toujours à la même distance de la Terre. Parmi leurs contemporains, la doctrine de Philolaüs trouvait encore des partisans ; or, selon cette doctrine, les distances des divers corps célestes au feu central demeurent toujours les mêmes, mais il n’en est pas de même de leurs distances à la Terre. La variation d’une telle distance pouvait donc être regardée sinon comme une réalité, du moins comme une supposition susceptible d’être faite.

Cette supposition, d’autre part, le témoignage même des sens n’est-il pas de nature à l’imposer ? Ce témoignage, quelques-unes des observations qui nous le font connaître n’avaient-elles pas été faites dès le temps d’Eudoxe et d’Aristote ? Écoutons Sosigène[1] décrire les phénomènes qui condamnent l’hypothèse des sphères homocentriques et reprocher aux partisans de cette hypothèse de n’avoir pas tenu compte de ces faits :

« Les sphères des partisans d’Eudoxe ne sauvent pas les apparences ; non seulement elles ne sauvent pas les apparences qui ont été découvertes après ces auteurs, mais elles ne sauvent même pas les apparences qui étaient connues avant eux et qu’eux-mêmes regardaient comme vraies. Et d’abord, au sujet de ces apparences qu’Eudoxe n’avait pu sauver et que Calippe de Cyzique tenta de sauver, doit-on dire qu’il les a, en effet, sauvées ? Du moins est-il une chose qui est manifeste à la simple vue, et qu’aucun d’entre eux n’a réussi, avant Autolycus de i’itanc, à déduire de ses hypothèses. D’ailleurs Autolycus lui-même n’y est pas parvenu ; sa controverse avec Aristothère est bien connue. Ce dont je veux

  1. Simplicii In Aristotelis physicorum libros de Cœlo commentarii, lib. II, cap. XII ; éd. Karsten, p. 225, col. b, et p. 226, col. a ; éd. Heiberg, pp. pp. 504-505.