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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/41

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33
LA COSMOLOGIE DE PLATON

II
LE PLEIN ET LE VIDE SELON LES ATOMISTES

Le géomètre le plus expert ne saurait définir l’espace ; mais des hommes qui ont étudié, si peu que ce soit, à la Géométrie peuvent, entre eux, parler de l’espace sans crainte de ne point s’entendre ; ils savent tous ce qu’on peut affirmer de l’espace et ce qu’on en peut nier ; ils y conçoivent tous de la même manière des points, des lignes, des surfaces ; ils accordent tous que par deux points quelconques, on peut faire passer une ligne droite qui n’est bornée ni dans un sens ni dans l’autre ; ils savent aussi qu’il n’est pas de limite inférieure à la petitesse du segment que deux points peuvent marquer sur une telle ligne.

Il en est du temps comme de l’espace. On demandait à Lagrange une définition du temps. « Savez-vous ce que c’est ? » répondit-il à son interlocuteur ; « si oui, parlons-en ; si non, n’en parlons pas. » Tous les géomètres donc savent ce que c’est que le temps, car ils en parlent ; ils considèrent tous des instants successifs ou simultanés, des durées égales ou inégales.

L’union de la notion d’espace avec la notion de temps leur permet, d’ailleurs, de raisonner du mouvement. Dans l’espace, ils conçoivent des points, des lignes, des figures qui demeurent immobiles ou qui se meuvent, qui demeurent invariables de forme on qui se déforment.

Aussi longtemps, donc, que les géomètres suivent le conseil de Pascal, qu’ils discourent de l’espace, du temps et du mouvement sans essayer de les définir, ils s’entendent parfaitement entre eux. Le désaccord survient, et quel désaccord ! lorsque les hommes veulent philosopher sur ces choses, lorsqu’ils prétendent dire quelle en est la nature et quelle en est la réalité.

Deux grands courants se dessinent alors en la pensée des philosophes.

Les uns admettent que le temps et le mouvement dont les géomètres discourent n’existent point hors de notre raison ; soit qu’ils les regardent comme des idées abstraites que la raison a tirées des perceptions, soit qu’ils les considèrent comme des formes préexistant en la raison et par lesquelles elle impose un ordre aux. perceptions.