Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
413
LES ASTRONOMIES HÉLIOCENTRIQUES


mie ? Nous l’ignorons et rien ne nous empêche de le nier. Nous pourrons, dès lors, admettre, avec sir Thomas Heath[1], que, par le mot τίς, Posidonius voulait désigner Aristarque de Samos ; que l’annotateur, sachant par ailleurs qu’Héraclide faisait tourner la Terre sur elle-même, avait confondu cette supposition avec l’hypothèse du mouvement de la Terre autour du Soleil ; qu’il avait alors mis en marge, en face du mot τίς, le nom d’Héraclide, dérobant ainsi à Aristarque la priorité de la théorie héliocentrique.

Par ces suppositions, fait-on disparaître toutes les difficultés ? Il en reste une. G. Schiaparelli se scandalisait que Posidonius eût accolé au nom d’Héraclide du Pont le terme, assez dédaigneux, τίς, un certain. N’est-il pas bien plus étonnant qu’il se soit contenté de ce petit mot pour désigner, sans le nommer, Aristarque de Samos, illustre non seulement par les propos d’Archimède, mais aussi par son traité Des grandeurs et des distances du Soleil et de la Lune ?

Essayerons-nous de résoudre ces difficultés ? Nous ne voyons aucun moyen de le faire avec quelque certitude. Nous nous contenterons donc d’attribuer à Héraclide du Pont, jusqu’à plus ample informé, l’hypothèse mentionnée par notre texte.

Comment ce texte précise-t-il cette hypothèse ? Traduisons-le :

Héraclide du Pont dit : « Que la Terre étant unie d’une certaine manière (πῶς) et le Soleil demeurant immobile d’une certaine manière (πῶς), il est possible de sauver l’anomalie qui apparaît autour du Soleil (περὶ τὸν ἥλιον) ».

Comment doit-on interpréter cette phrase ?

Trois explications distinctes s’offrent à nous, celle de Bœckh, celle de Th. H. Martin, celle de M. G. Schiaparelli.

Selon Bœckh[2], le mouvement de la Terre dont il est ici question, c’est la rotation diurne de la Terre, d’Occident en Orient, autour de l’axe du Monde ; nous savons en effet, par ailleurs qu’Héraclide admettait une telle rotation. Le Soleil est en repos d’une certaine manière, c’est-à-dire qu’il n’est plus animé du mouvement diurne ; il est seulement mû de son mouvement propre annuel.

Mais une telle hypothèse ne sauve aucune des anomalies, aucune des irrégularités de vitesse que l’on constate en observant le cours des planètes. Bœckh semble croire qu’Héraclide a seulement voulu dire qu’un tel mouvement de la Terre, qu’un tel repos partiel du Soleil, ne rendaient pas impossible l’explication d’une telle ano-

  1. Sir Thomas Heath. Aristarchus of Samos, p. 282.
  2. A. Bœckh, Das kosmologische System des Plato, pp. 133-141.