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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/47

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LA COSMOLOGIE DE PLATON

faces sont des triangles, savoir le tétraèdre, l’octaèdre et l’icosaèdre : puis il définit le cube ; il est trop géomètre, sans doute, pour ignorer qu’il existe un cinquième polyèdre régulier, le dodécaèdre pentagonal, et c’est à celui-ci qu’il fait allusion lorsqu’il dit : « Il existe une cinquième combinaison dont Dieu a usé pour dessiner l’Univers »[1]. Mais les quatre premiers polyèdres représentent seuls les essences spécifiques des éléments,

« À la terre, nous donnerons l’espèce cubique : entre les quatre genres d’éléments, en effet, la terre est la plus immobile ; parmi les corps, elle est la plus apte à se fixer ; il est donc nécessaire qu’elle ait les bases les plus fermes ». Or les bases carrées du cube assurent à la figure qui les présente une plus grande stabilité que les bases triangulaires des autres polyèdres.

Au feu, au contraire, nous attribuerons le polyèdre qui est le plus mobile parce que ses bases sont les moins nombreuses, qui est le plus aigu, le plus apte à diviser et à couper, en un mot le tétraèdre. À l’air et à l’eau qui sont, par leur mobilité décroissante, les intermédiaires entre le feu et la terre, nous donnerons l’octaèdre et l’icosaèdre.

Comment faut-il entendre cette correspondance entre les quatre éléments et les polyèdres réguliers ? Faut-il simplement regarder le cube, l’icosaèdre, l’octaèdre et le tétraèdre comme des symboles des essences spécifiques de la terre, de l’eau, de l’air et du feu ? Faut-il, au contraire, à l’imitation des sectateurs de Démocrite, imaginer que les corps élémentaires visibles et tangibles sont réellement des assemblages de telles particules polyédriques ? Que cette seconde opinion soit celle de Platon, il ne semble pas que l’on en puisse douter, lorsqu’on lit ce passage :

« Il est donc juste et vraisemblable de regarder la figure du solide tétraédrique comme étant l’élément et la semence du feu.

  1. Selon Jean Philopon, voici comment il faut interpréter ce passage : De même que le dodécaèdre régulier à douze faces, de même Dieu a composé le Monde de douze globes emboîtés les uns dans les autres, savoir la terre, l’eau, l’air, le feu sublunaire, les sept orbes des astres errants et l’orbe des étoiles fixes (Ioannes Grammaticus Philoponus Alexandrinus In Procli Diadochi duodeviginti argumenta de mundi æternitate Mahotio Argentenae interprete, Lugduni, excudebat Nicolaus Edoardus, Campanus, 1557, In Procli Diadochi argunmntum decimumtertium, p. 244. — Ioanxes Philoponus De aeternitate Mundi contra Proclum. Edidit Hugo Rabe. Lipsiae, MDCCCXCIX. XIII, 18, pp. 536-537) Platon, en effet, dans le Phèdre et dans le Ve livre des Lois forme le monde de douze sphères concentriques ; mais il ne paraît pas absolument certain qu’il ait jamais admis, comme Aristote, une sphère de feu sublunaire ; on doit plus vraisemblablement supposer que la première sphère, pour lui comme pour les Pythagoriciens de son temps, était celle du feu central que la terre contient. Voir, à ce sujet, Th.-H. Martin, Études sur le Timée, Paris, 1841 ; tome II, note XXXVII, § 3, pp. 114-119 et note XXXVIII, pp. 141-143.