Aller au contenu

Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cabinet évidemment en marbre. Faudrait-il que le vestibule fût en marbre ? Tout au long du mur, des arbustes. Comment éclairer ce vestibule ? un vasistas n’est pas propre. Et puis, je voudrais la maison devant une rue tranquille. Serait parfait, devant la maison, un ou deux mètres de jardin, sur la rue ; un petit mur avec une grille ; une grille nue ; le jardinet ; quelques lilas seulement, quelques feuillages, je ne sais quoi ; quelle largeur ? un mètre ou un mètre et demi ; je suis fou ; deux ou trois mètres. Cela dépend si de l’appartement une porte ouvrira sur le jardin ; peu utile ; mais non gênant, pourvu que ce soit de la salle-à-manger ; à l’occasion, agréable ; alors, trois ou quatre mètres de jardin. Voyons ; trois mètres, donc trois grands pas ; un, deux, trois ; oui, c’est cela. Quand je voudrais dîner à la maison, mon domestique l’organiserait avec quelque Chevet ; vivre en un mode ordinaire est précieux ; d’ailleurs, je demeurerais ordinairement avec Léa ; de temps en temps, je l’emmènerais dans mon petit rez-de-chaussée ; une escapade ; si gentiment, là, nous nous aimerions, dans notre chambre blanche, parmi les peaux d’ours blancs. Ce soir, nous nous serions enfuis ensemble ; dans deux heures j’arriverais chez elle ; j’aurais en poche mes vingt-cinq mille francs ; comme d’usage j’arriverais. Mais ce n’est pas chez elle, c’est à son théâtre que je vais ; ça ne fait rien…

— « Bonsoir, monsieur. »

Quoi ? Une fille. Si je fais le semblant de la regarder, elle m’arrête.

— « Monsieur… »

Une averse de patchouli ; Dieu ! passons vite. Ah, Léa, Léa, ma belle, bonne, belle petite Léa ; comme tu serais heureuse et comme ce serait fini, les jours mauvais, et comme nous nous aimerions ! lorsque je te dirais que je suis, pour toi, devenu riche, et quand en-