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Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/73

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est charmante, immobile en cette place, comme enlisée sous les étoffes, sa blanche face comme émergeant des velours, des soieries et des fourrures ; si les Desrieux la voyaient ! ce serait drôle que quelque ami passât par là ; rien ne serait mieux pour moi chez les Desrieux, qu’être aperçu avec elle ; ils sont vraiment très à la mode ; mais pourquoi se sont-ils tellement obstinés aux souliers à bouts carrés ? et de Rivare, s’il se rencontrait, quel émerveillement ! demain en déjeunant et se versant force bon vin, il me plaisanterait ; il serait si jaloux et tant admirerait ! il faudra que je l’invite un de ces soirs à dîner ; nous irons au Cirque ; non, je le conduirai aux Nouveautés ; ainsi plus à propos lui conterai-je mon histoire de Léa. Faut cependant que je parle un peu à Léa ; quand elle ne dit rien, je ne sais quoi lui dire ; les mêmes choses un jour l’intéressent, l’ennuient un autre ; elle est capricieuse pis qu’aucune femme ; mais de quoi lui parler ? de son théâtre ? c’est assommant ; c’est un sujet.

— « Savez-vous si vos répétitions commencent bientôt ? »

— « Je ne crois pas. »

— « Pourquoi donc ? »

— « La pièce fait tous les soirs de l’argent. »

— « Vous savez ce qu’est la nouvelle pièce ? »

— « Pas du tout. »

— « Vous ne paraîtrez qu’au troisième acte, m’avez-vous dit. »

— « J’aime beaucoup mieux ne paraître qu’à un seul acte. »

— « Ah ? »

— « Je ne comprends pas qu’on veuille paraître à tous les actes quand on n’a pas les premiers rôles. L’année dernière, la petite Manuela a réussi avec ses couplets du dernier acte ; voyez au contraire Darvilly