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Page:Dujardin - Les Lauriers sont coupés, 1887, RI.djvu/90

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Son costume ?… oui, ce tablier, cet argent que je lui ai promis… je n’y songeais plus… elle le désire tout de suite… je le lui ai promis ; d’ailleurs c’est bien le moins ; bah, débarrassons-nous en dès maintenant…

— « Si vous vouliez me dire à peu près ce qu’il vous faut, Léa, et me pardonner de vous en laisser le soin… »

— « Je ne sais pas… cela ferait… tout au plus… une centaine de francs. »

— « Permettez que je vous les remette. »

J’ai un billet de cinquante francs dans mon porte-cartes, plusieurs louis dans mon porte-monnaie ; rien que des pièces de vingt francs ; cela fera cent dix francs ; soit ; trois louis et cinquante francs, là, sur la cheminée.

— « Vous êtes gentil » dit Léa.

Vers moi elle revient ; je lui ai fait plaisir ; ce me coûte encore un peu cher ; mais elle sera contente de moi et sera aimable ; et puis j’ai ainsi moins de scrupules à rester cette nuit, plus de droits ; d’ailleurs ne puis-je donc lui prouver mon amour sans la refuser ? si tendrement, si doucement, si bonnement je l’aimerai cette nuit, que ce vaudra toutes paroles et tous renoncements ; certes, en sachant me conduire, je réussirai mieux, si je reste avec elle, à lui prouver mon vrai amour ; voilà ce qu’il faut faire ; et entre ses cheveux, très bas, je lui dis :

— « Ainsi, vous me gardez ? »

Ses grands yeux, ses grands yeux étonnés, on dirait apitoyés… que veulent-ils ?

— « Oh, pas ce soir ; je vous en prie ; je ne peux pas… »

Comment ? pas ce soir ? elle ne veut pas ?

— « … La prochaine fois, je vous promets… je ne peux pas. »

Encore, encore, elle ne veut pas ?… je ne puis la forcer… vraiment, elle ne veut pas ?…