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Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/146

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sortir de sa confortable demeure. Elle restait — avec beaucoup d’allure dans ses gestes — à l’ombre de ses volets clos, et la broderie qu’elle prenait par contenance, ne faisait aucun progrès. Sur ses lèvres rougies de fard, par habitude, un nom flottait : « André ».

Est-ce qu’on allait le lui tuer, ce beau garçon que toutes les femmes se disputaient, il y a trois semaines ? Est-ce que cela était possible que les fils de riches soient déchiquetés par la mitraille comme de simples rustres ? Et s’il disparaissait ! Que lui resterait-il pour égayer sa vieillesse toute proche ? Certes, — en sa qualité de parisienne, — malgré la quarantaine, elle pouvait encore jouer avec les étincelles du flirt et brûler encore quelques ailes de jouvenceaux ; mais ce jeu ne l’attirait pas et ne la retenait que par vanité… pour la galerie… Ah ! si elle avait l’Autre !.

Quand elle était seule, elle rêvait parfois de celui qu’elle avait chassé de son sein ; même, un jour, — entre deux larmes, — elle l’avait baptisé Jack.

— À quoi bon me désoler… S’il avait vécu ; il serait aussi soldat se disait-elle pour s’absoudre aujourd’hui. Un de plus… voilà tout !…

Mais en murmurant un de plus, elle sentait pénétrer en elle un remords qui vrillait sa conscience. La force mécanique de cet un de plus lui apparut avec son formidable appoint d’intelligence et de morale. Un de plus, c’était l’officier qui commande