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Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/165

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— J’ai encore eu des nausées… et c’était hier le quatre…

— Mon Dieu ! sursauta la baronne, est-ce qu’ils t’auraient violentée ?

— Oui madame… Le jour de leur arrivée. Il m’a dit que l’ordre était de mâter les femmes dès leur installation dans une maison, et c’est cela qu’ils appellent mâter.

— Pourquoi n’as-tu rien dit à tes parents ?

— D’abord, j’ai espéré que cela ne tirerait pas à conséquence.

— Tu savais donc, déjà, que toutes les étreintes ne sont pas fécondes ?

— Oh ! voyons, Madame… J’ai vingt-sept ans, et neuf ans d’office…

— Évidemment. À quoi sert de récriminer d’ailleurs ?

— Que va-t-il arriver ? Que vais-je devenir ? Et papa ! papa ! mon Dieu, mon Dieu !

La fille se lamentait, ruisselante de larmes, quand la mère Tiennette entra dans la pièce. Depuis le soir du drame, les gardiens du château avaient cédé l’unique chambre de leur maisonnette à leur maîtresse, et couchaient dans un réduit où s’entassaient des instruments aratoires. La cuisine servait de salle à manger, et de chambre à coucher pour Lida. De cette promiscuité de tous les instants, une familiarité respectueuse s’était substituée à l’étiquette de jadis.