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Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/228

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— Elle a près de cinquante ans.

— Tant mieux ! Savez-vous si elle a un fils ?

— Un fils ?… non… elle n’en avait pas lorsque je l’ai connue… à moins que cet enfant…

— Ce serait trop de chance… Dans les livres on voit des dames donner leur affection à des déshérités comme moi quand ils sont porteurs de messages extraordinaires. Alors supposez qu’elle soit bonne et qu’elle aime ce Marcel Dumont ; pour parler de lui avec moi, elle voudra me voir souvent, et puisqu’elle pourrait être ma mère… Je me ferai une illusion.

— Essayez ! dit Sylvia, toute remuée par cette tendresse d’homme, guettant une âme en mal de solitude, pour y blottir son abandon.

— Comment est-il mort ce Marcel Dumont ?

— Magnifiquement… comme un lion ! Il a tiré jusqu’à sa dernière cartouche, et c’est la septième balle ennemie qui l’a couché pour toujours.

Mme Sylvia se souvint, en allant de chevet en chevet, que Rhœa leur avait jadis conté les raisons de sa haine pour l’homme qui s’éloigne, et pour l’enfant qui éloigne. Était-ce ce héros, qui avait fait couler ses larmes ? Si oui, la mort du Français rachetait largement la vie du séducteur. Décidément toutes les aventures d’amour semblaient puériles à l’heure de l’extermination des mâles. Elle qui avait jadis pleuré sur l’égoïsme d’un quadragénaire ne parvenait plus à comprendre ses désespoirs passés.