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Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/268

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L’ambition commençait d’ailleurs son stage dans l’esprit du capitaine. Il était attentif déjà à tout ce qui pouvait aider son avancement ; il changeait de maîtresse chaque fois que ses sens ou son intérêt le commandait ; il considérait son foyer comme un port d’attache, auquel il revenait chaque fois qu’il se sentait las de naviguer sur les flots du Tendre.

Parce qu’il ne criait pas ses bonnes fortunes sur les toits, il se persuadait que sa femme les ignorait ; et le silence pieux de sa compagne lui parut de la cécité. Parfois même il en éprouva de l’humiliation. Alors qu’un petit scandale flattait sa vanité, et défrayait tous les potins, il lui parut vraiment blessant que la principale lésée ne lui fit pas l’honneur de la plus petite scène. Mais Juliette Lartineau ne voulait rien entendre, et désespérait ses meilleures amies.

Quand des mots imprévus lui révélaient le cœur de ses enfants, elle vivait des heures exquises ; et ces mots lui paraissaient plus beaux que les mots d’amour dont sa jeunesse avait été bercée. Elle savait maintenant le mensonge des idylles, mais elle se taisait, en reconnaissant que c’était — en somme — à lui, qu’elle devait ses maternités. Pour ne rien perdre des étincelles qui jaillissent de l’enfance, elle surveilla les classes de ses fils, se fit la répétitrice de leurs études, et, quand, — avec des baisers, — les garçonnets posaient sur ses genoux des livres rouges et dorés, elle triomphait avec eux. Aussi,