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Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/281

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lendemain matin, au gouverneur, les registres du village où ils étaient nés, le commandant boche prit une mine de bon apôtre et répondit :

— Quel malheur que ces enfants n’aient pas eu la patience d’attendre. Figurez-vous qu’ils se sont suicidés.

— Qui donc leur a donné des mausers ? Je sais qu’ils ont tous deux une balle dans la tête ; répliqua le maire de V…

— La justice, appuyée par la force, Monsieur. Au nom de ses principes sacrés dont nous sommes les défenseurs devant Dieu, je confisque ces registres, et vous envoie en Allemagne. Cela vous apprendra à reconnaître la supériorité de notre race sur votre espèce dégénérée.

Par un miracle d’énergie, le vieillard avait supporté les brutalités de la soldatesque qui fit de son transport un douloureux martyre. Il connut les famines inséparables des organisations hâtives ; il fut de l’heure où les Allemands — n’ayant pas prévu leur propre barbarie — tâtonnaient pour fonder et administrer de kolossales prisons. Peu à peu il avait vu surgir les baraquements dans lesquels on parquait les troupeaux humains. Les premières promiscuités lui semblèrent le pire supplice, et toutes les tares de l’humanité qui émane de nos pores, ou de nos organes, choquèrent ses habitudes d’hygiène. Il faut avoir vécu dans l’atmosphère fétide de ces salles, où respiraient pêle mêle des enfants à la