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ASCANIO.

votre prévôt étaient remis sur leurs jambes, gais et bien portans, tandis que ceux qui ont eu affaire à mon maître ne s’en sont jamais relevés, et trois jours après étaient couchés, morts et enterrés.

— Tout cela finira mal ! tout cela finira mal ! murmura dame Perrine. On dit qu’il se passe de terribles choses, jeune homme, dans les villes prises d’assaut.

— Rassurez-vous, dame Perrine, répondit Ascanio en riant, vous aurez affaire à des vainqueurs clémens.

— Ce que j’en dis, mon cher enfant, répondit dame Perrine, qui n’était pas fâchée peut être de se ménager un appui parmi les assiégeans, c’est que j’ai peur qu’il n’y ait du sang répandu ; car, quant à votre voisinage, vous comprenez bien qu’il ne peut nous être que très agréable, attendu que la société manque un peu dans ce maudit désert où messire d’Estourville nous a consignées, sa fille et moi, comme deux pauvres religieuses, quoique ni elle ni moi n’ayons prononcé de vœux. Dieu merci ! Or, il n’est pas bon que l’homme soit seul, dit l’Écriture, et quand l’Écriture dit l’homme, elle sous-entend la femme ; n’est-ce pas votre avis, jeune homme ?

— Cela va sans dire.

— Et nous sommes bien seules et par conséquent bien tristes dans cet immense séjour.

— Mais n’y recevez-vous donc aucune visite ? demanda Ascanio.

— Jésus-Dieu ! pires que des religieuses, comme je vous le disais. Les religieuses, au moins, ont des parens, elles ont des amis qui viennent les voir à la grille. Elles ont le réfectoire, où elles se réunissent, où elles parlent, où elles musent. Ce n’est pas bien récréatif, je le sais ; mais encore,