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ASCANIO.

du le privilège de plaire aux femmes ; enfin tous deux se haïssaient, parce que toutes les fois qu’ils s’étaient trouvés sur le même chemin, l’un avait enlevé quelque chose à l’autre.

Aussi, dès qu’ils s’aperçurent, les deux courtisans se saluèrent avec ce sourire sardonique et froid qu’on ne rencontre que dans les antichambres de palais, et qui veut dire : — Ah ! si nous n’étions pas deux lâches, comme il y a déjà longtemps que l’un de nous ne vivrait plus !

Néanmoins, comme il est du devoir d’un historien, de dire le bien comme le mal, il est juste d’avouer qu’ils s’en tinrent à ce salut et à ce sourire, et que, sans avoir échangé une seule parole avec le vicomte de Marmagne, le comte d’Orbec, reconduit par le prévôt, sortit immédiatement par la même porte qui venait de donner entrée à son ennemi. Hâtons-nous d’ajouter néanmoins que malgré la haine qui les séparait, ces deux hommes, le cas échéant, étaient prêts à se réunir momentanément pour nuire à un troisième.

Le comte d’Orbec sorti, le prévôt se trouva seul avec son ami le vicomte de Marmagne.

Il s’avança vers lui avec un visage gai, celui-ci l’attendit avec un visage triste.

— Eh bien ! mon cher prévôt, lui dit Marmagne, rompant le premier le silence, vous avez l’air bien joyeux.

— Et vous, mon cher Marmagne, répondit le prévôt, vous avez l’air bien triste.

— C’est que vous le savez, mon pauvre d’Estourville, les malheurs de mes amis m’affligent tout autant que les miens.

— Oui, oui, je connais votre cœur, dit le prévôt.