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ASCANIO.

prenable. Or, Ascanio avait judicieusement pensé qu’on s’avise rarement de garder ce qui ne peut être pris, et il avait résolu de tenter une attaque sur le point où l’on ne songeait point à la résistance.

C’est dans cette vue qu’il s’éloigna avec son ami Jacques Aubry, sans se douter qu’au moment où il disparaissait d’un côté, sa Colombe bien-aimée allait apparaître de l’autre et fournir à Benvenuto un moyen de contraindre le prévôt à une sortie qui inspirait à celui-ci une si profonde répugnance.

Le projet d’Ascanio était scabreux par l’exécution, périlleux par les suites. Il s’agissait de franchir un fossé profond, d’escalader un mur de vingt-cinq pieds de haut, et au bout de tomber peut-être au milieu de la troupe ennemie. Aussi quand il arriva au bord du fossé, et par conséquent de son entreprise, Ascanio comprit seulement toute la difficulté qu’il allait avoir à franchir l’un et à accomplir l’autre. Aussi sa résolution, si bien arrêtée qu’elle eût été d’abord, fléchit-elle un instant.

Quant à Jacques Aubry, il s’était tranquillement arrêté dix pas en arrière de son ami, regardant tour à tour le mur et le fossé. Puis après les avoir mesurés de l’œil tons deux :

— Ah çà ! mon cher ami, lui dit-il, fais-moi, je te prie, l’amitié de me dire pourquoi diable tu m’amènes ici, à moins que ce ne soit pour pêcher des grenouilles. Ah ! oui… tu regardes ton échelle… Très bien. Je comprends. Mais ton échelle a douze pieds, le mur en a vingt-cinq de haut et le fossé dix de large : c’est vingt-trois pieds de différence, si je sais compter.