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ASCANIO.

dantes que je ne méritais pas ; je l’ai remise à sa place, et elle le méritait.

— N’importe, n’importe ! oubliez ce qu’elle a dit, Benvenuto, et faites-lui oublier ce que vous lui avez répondu. Je vous le répète, elle est impérieuse, elle est vindicative, et elle tient dans sa main le cœur du roi, du roi, qui aime les arts, mais qui aime encore mieux l’amour. Elle vous fera repentir de votre audace, Benvenuto ; elle vous suscitera des ennemis ; c’est elle déjà qui a donné au prévôt le courage de vous résister. Et, tenez, je pars pour l’Italie, moi ; je vais à Rome par son ordre. Eh bien ! ce voyage, Benvenuto, est dirigé contre vous, et moi-même, moi, votre ami, je suis forcé de servir d’instrument à sa rancune.

— Et qu’allez-vous faire à Rome ?

— Ce que j’y vais faire ? Vous avez promis au roi de rivaliser avec les anciens, et je vous sais homme à tenir votre promesse ; mais la duchesse croit vous vous êtes vanter à tort, et pour vous écraser par la comparaison sans doute, elle m’envoie, moi, peintre, mouler à Rome les plus belles statues antiques, le Laocoon, la Vénus, le Rémouleur, que sais-je, moi !

— Voilà en effet un terrible raffinement de haine, dit Benvenuto. qui, malgré la bonne opinion qu’il avait de lui-même, n’était pas tout à fait sans inquiétude sur une comparaison de son œuvre avec celle des plus grands maîtres ; mais céder à une femme, ajouta-t-il en serrant les poings, jamais ! jamais !

— Qui vous parle de céder ! Tenez, je vous ouvre un moyen. Ascanio lui a plu : elle veut le faire travailler et m’a chargé de lui dire de passer chez elle. Eh bien ! rien de plus simple à vous que d’accompagner voire élève à l’hôtel