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ASCANIO.

on avait meuble les chambres avec un luxe royal, et la maison était montée comme celle d’une vraie reine, et même beaucoup mieux sans doute que celle de l’excellente et chaste Éléonore, la sœur de Charles-Quint et la femme légitime de François Ier, dont il était si peu question dans le monde et même à la cour.

Si maintenant nous pénétrons indiscrètement de grand matin dans la chambre de la duchesse, nous la trouverons à demi couchée sur un lit de repos, appuyant sa charmante tête sur une de ses belles mains, et passant négligemment l’autre dans les boucles de ses cheveux châtains aux reflets dorés. Les pieds nus d’Anne paraissent plus petits et plus blancs dans ses larges mules de velours noir, et sa robe flottante et négligée prête à la coquette un charme irrésistible.

Le roi est là en effet, debout contre une fenêtre, mais il ne regarde pas sa duchesse. Il frappe des doigts contre la vitre en mesure, et paraît méditer profondément. Sans doute il songe à cette grave question de Charles-Quint traversant la France.

— Et que faites-vous donc là, sire, le dos tourné ? lui dit enfin la duchesse impatientée.

— Des vers pour vous, ma mie, et les voilà terminés, j’espère, répondit François Ier.

— Oh ! dites-les moi vitement, de grâce, mon beau poëte couronné.

— Je le veux bien, reprit le roi avec l’assurance d’un rimeur porte-sceptre. Écoutez :


Etant seul et auprès d’une fenêtre,
Par un matin comme le jour peignait,
Je regardais Aurore à main senestre,