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ASCANIO.

Quant à elle, pleine de courroux et d’épouvante, elle n’avait pu jusque-là faire un pas ni prononcer un mot. Mais, en voyant Ascanio blanc comme un marbre, la tête penchée, ses longs cheveux épars, et si beau de sa pâleur, si gracieux dans son évanouissement, par un mouvement irrésistible elle se précipita vers lui et se trouva presque agenouillée vis-à-vis de Benvenuto, tenant comme lui une main d’Ascanio dans les siennes.

— Mais cet enfant se meurt ! Si vous l’emportez, monsieur, vous le tuerez. Il lui faut peut-être des secours très prompts. Jérôme, cours chercher maître André. Je ne veux pas qu’il sorte d’ici en cet état, entendez-vous ? Partez ou restez, vous, mais laissez-le.

Benvenuto regarda la duchesse avec pénétration et Ascanio avec anxiété. Il comprit qu’il n’y avait aucun danger à laisser son élève chéri aux soins de madame d’Étampes, et qu’il y en aurait peut-être à le transporter sans précaution. Son parti fut pris vite, comme toujours, car la décision rapide et inébranlable était une des qualités ou un des défauts de Cellini.

— Vous en répondez, madame ! dit-il.

— Oh ! sur ma vie ! s’écria la duchesse.

Il baisa doucement l’apprenti au front, et s’enveloppant de son manteau, la main sur son poignard, il sortit fièrement, non sans avoir échangé avec la duchesse un coup d’œil de haine et de dédain. Quant aux deux hommes, il ne daigna pas même les regarder.

Anne, de son côté, suivit son ennemi tant qu’elle put le voir avec des yeux ardens de fureur ; puis changeant d’expression, ses yeux s’abaissèrent avec une tristesse inquiète