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ASCANIO.

Soit dit sans offenser le lecteur ni Virgile.

Nos amis, en effet, au moment où nous en sommes arrivés, sont, à commencer par Benvenuto et à finir par Jacques Aubry, plongés dans la tristesse, et nous allons voir la douleur, sombre marée montante, les gagner tous peu à peu.

Nous avons déjà laissé Cellini fort inquiet sur le sort d’Ascanio. De retour au Grand-Nesle, il ne songeait guère à la colère de madame d’Étampes, je vous jure. Tout ce qui le préoccupait, c’était son cher malade. Aussi sa joie fut grande quand la porte s’ouvrit pour donner passage à une litière, et qu’Ascanio, sautant lestement à terre, vint lui serrer la main et l’assurer qu’il n’était pas plus mal que le matin. Mais le front de Benvenuto se rembrunit vite aux premiers mots de l’apprenti, et il l’écouta avec une singulière expression de chagrin tandis que le jeune homme lui disait :

— Maître, je vais vous donner un tort à réparer, et je sais que vous me remercierez au lieu de m’en vouloir. Vous vous êtes trompé au sujet de madame d’Étampes ; elle n’a pour vous ni mépris ni haine ; elle vous honore et vous admire, au contraire, et il faut convenir que vous l’avez bien rudement traitée, elle, femme, elle, duchesse. Maître, madame d’Étampes n’est pas seulement belle comme une déesse, elle est bonne comme un ange, modeste et enthousiaste, simple et généreuse, et dans le cœur elle a un esprit charmant. Là où vous avez vu ne matin insolence outrageante, il n’y avait que malice d’enfant. Je vous en prie pour vous, qui n’aimez pas à être injuste, autant que pour moi, qu’elle a accueilli et soigné avec une grâce si touchante, ne persistez pas dans cette méprise injurieuse.