Page:Dumas, Ascanio, 1860.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
ASCANIO.

Disant cela avec calme, Cellini regardait madame d’Étampes, et la fière duchesse baissa malgré elle les yeux sous ce regard ferme, confiant, et qui n’était pas même courroucé. Anne conçut un sourd ressentiment contre Cellini de cette supériorité qu’elle subissait en y résistant et sans savoir de quoi elle se composait. Elle avait cru jusqu’alors que la beauté était la première puissance de ce monde : elle avait oublié le génie.

— Quels trésors, dit-elle avec amertume, suffiraient donc à payer un talent comme le vôtre ?

— Ce ne seront certes pas les miens, reprit François Ier, et à ce propos, Benvenuto, je me rappelle que vous n’avez touché encore que cinq cents écus d’or de bienvenue. Serez-vous satisfait des appointemens que je donnais à mon peintre Léonard de Vinci, c’est-à-dire de sept cents écus d’or par an ? Je vous paierai en outre tous les ouvrages que vous ferez pour moi.

— Sire, ces offres sont dignes d’un roi tel que François Ier, et, j’ose le dire, d’un artiste tel que Cellini. J’aurai pourtant la hardiesse d’adresser encore une demande à Votre Majesté.

— Elle vous est d’avance octroyée, Benvenuto.

— Sire, je suis mal et à l’étroit dans cet hôtel pour travailler. Un de mes élèves a trouvé un emplacement mieux disposé que celui-ci pour les grands ouvrages que mon roi pourra me commander. Cette propriété appartient à Votre Majesté. C’est le Grand-Nesle. Elle est à la disposition du prévôt de Paris, mais il ne l’habite pas ; il occupe seulement le Petit-Nesle, que je lui laisserais volontiers.

— Eh bien ! soit, Benvenuto, dit François Ier, installez-vous au Grand-Nesle, et je n’aurai que la Seine à traverser