Sentinelli !…
Christine !…
Je me meurs…
Scène V.
Ma mère !…
Ah ! quelle terreur étrange !
Ma mère !…
Qui m’annonce l’instant de l’éternel adieu,
Et qui vient me chercher pour me conduire à Dieu ?
Dois-je me réjouir, ou faut-il que je pleure ?…
Non, ma mère, c’est moi. J’ai pensé qu’à cette heure,
Où tant d’indifférents autour de vous viendront,
Vous chercheriez mes mains pour poser votre front,
Je suis votre Paula…
Mon enfant !
Anathème !
Mon enfant !…
Ma mère… ce saint homme auprès de vous serait.
Ne dites pas mon nom ; elle me maudirait !…
Oh ! désarmant pour moi la justice éternelle,
Mon Dieu ! daigneras-tu me pardonner comme elle ?
Oh ! prenez cet espoir, il n’est point hasardeux ;
Je prîrai tant pour vous !…
Femme, priez pour deux !…
Scène VI.
Pourquoi Dieu permit-il que dans ta jeune vie
Je vinsse me jeter de tant de maux suivie ?
Vous vous aimiez… heureux… Mais je devais venir…
Je vins… et mon amour brisa votre avenir ;
Tout fut empoisonné désormais sur ta voie.
Comme tu pardonnas à lui… que je te voie
Me pardonner à moi !… Je suis à tes genoux !
Oh ! dis-moi quelques mots consolateurs et doux.
Christine… que si Dieu dans ce moment me donne
Pouvoir de pardonner… oh ! oui ! je te pardonne ;
Et que si deux pouvoirs en moi sont réunis,
Pardonner et bénir… oh ! oui ! je te bénis…
Je pardonne à ma reine, et je bénis ma mère.
Que la mort qui te vient ne te soit point amère !
Qu’un ange me seconde, et descendant des cieux,
De son doigt doucement vienne clore tes yeux,
T’emporte dans ses bras, à la terre ravie,
Et te conduise à Dieu dont le souffle est la vie !
Oh ! du ciel, à ta voix… ma fille, je sens là
Redescendre le calme… Embrasse-moi, Paula !
Mais, avant d’oublier le monde comme un rêve,
Je voudrais voir encor le soleil qui se lève ;
Ouvre, j’ai besoin d’air…
Maintenant, conduis-moi.
Je voudrais voir le ciel en m’appuyant sur toi ;
Je puis encore aller jusqu’à cette fenêtre.
Oh ! Paula ! qu’il est beau ce jour qui vient de naître !
Au mourant qu’il est beau ce ciel brillant et pur,
Lorsqu’il devine Dieu par delà son azur !
Ma mère !…
Pouvait venir ainsi, qu’elle me serait douce !…
Paula !… Monaldeschi !… Sentinelli !… mon Dieu !
La couronne… Stockholm… J’ai froid… ma fille… adieu !
Oh ! pourquoi donc ta main est-elle si glacée ?…
Où donc es-tu, Paula ?… Seule tu m’as laissée…
Mourir seule… Je meurs !… embrasse-moi, Paula.
Adieu !
Ma mère !
Adieu !…
Seigneur, recevez-la !
Peut-être…
Et maintenant à tous ouvrez la porte.
Christine-Alessandra, reine de Suède, est morte !