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HENRI.

Eh bien ! nous ne vous ferons pas attendre… Comte Paul Estuert ! nous te faisons marquis de Caussade.

LE DUC DE GUISE.

Je suis duc, sire.

HENRI.

Comte Paul Estuert, marquis de Caussade, nous te faisons duc de Saint-Mégrin, et maintenant, M. de Guise, répondez-lui… car il est votre égal.

SAINT-MÉGRIN.

Merci, sire, merci ; je n’ai pas besoin de cette nouvelle faveur ; et puisque Votre Majesté ne s’oppose pas, je veux le défier de manière à ce qu’il s’ensuive combat ou déshonneur… Or, écoutez, messieurs : moi, Paul Estuert, seigneur de Caussade, comte de Saint-Mégrin, à toi Henri de Lorraine, duc de Guise, prenons à témoins tous ceux ici présents, que nous te défions au combat à outrance, toi et tous les princes de ta maison, soit à l’épée seule, soit à la dague et au poignard, tant que le cœur battra au corps, tant que la lame tiendra à la poignée ; renonçant d’avance à ta merci, comme tu dois renoncer à la mienne ; et, sur ce, que Dieu et saint Paul me soient en aide ! — (Jetant son gant.) À toi seul, ou à plusieurs.

D’ÉPERNON.

Bravo ! Saint-Mégrin, bien défié !

LE DUC DE GUISE, montrant le gant.

Saint-Paul…

BUSSY D’AMBOISE.

Un instant, messieurs… un instant : moi, Louis de Clermont, seigneur de Bussy d’Amboise, me déclare ici parrain et second de Paul Estuert de Saint-Mégrin ; offrant le combat à outrance à quiconque se déclarera parrain et second de Henri de Lorraine, duc de Guise, et comme signe de défi et gage du combat, voici mon gant…

JOYEUSE.

Vive Dieu ! Bussy, c’est un véritable vol que tu me fais… tu ne m’as pas donné le temps… mais sois tranquille… si tu es tué…

LE DUC DE GUISE.

Saint-Paul, ramasse ce gant… Entraguet, tu seras mon second… Vous le voyez, messieurs, je vous fais beau jeu… je vous offre un moyen de venger Quelus… Saint-Paul, tu prépareras mon épée de bal ; elle est juste de la même longueur que l’épée de combat de ces messieurs.

SAINT-MÉGRIN.

Vous avez raison, monsieur le duc… cette épée serait bien faible pour entamer une cuirasse aussi prudemment solide que celle-ci… mais nous pouvons en venir aux mains, nus jusqu’à la ceinture, monsieur le duc, et l’on verra celui dont le cœur battra.

HENRI.

Assez, monsieur, assez : nous honorerons le combat de notre présence, et nous le fixons à demain… Maintenant chacun de vous peut réclamer un don, et s’il est en notre puissance royale de vous l’accorder, vous serez satisfaits à l’instant… Que veux-tu, Saint-Mégrin ?

SAINT-MÉGRIN.

Un égal partage du terrain et du soleil : pour le reste, je m’en rapporte à Dieu et à mon épée.

HENRI.

Et vous, monsieur le duc, que demandez-vous ?

LE DUC DE GUISE.

La promesse formelle qu’avant le combat, Votre Majesté reconnaîtra la Ligue, et nommera son chef. J’ai dit.

HENRI.

Quoique nous ne nous attendissions pas à cette demande, nous vous l’octroyons, mon beau cousin… Messieurs, puisque M. de Guise nous y force, au lieu du bal masqué de cette nuit, nous aurons un conseil d’État. Je vous convoque tous, messieurs. Quant aux deux champions, nous les invitons à profiter de cet intervalle pour se mettre en état de grâce… et sur ce, nous prions Dieu qu’il vous ait en sainte et digne garde. Allez, messieurs, allez…

(Tout le monde sort, excepté Henri et Catherine.)



Scène V.


HENRI, CATHERINE.
HENRI.

Eh bien ! ma mère, vous devez être contente ; vos deux grands ennemis vont se détruire eux-mêmes, et vous devez m’en remercier, car j’ai autorisé un combat que j’aurais pu défendre.

CATHERINE.

Auriez-vous agi ainsi, mon fils, si vous eussiez su qu’une des conditions de ce combat serait de nommer un chef à la Ligue ?

HENRI.

Non, sur mon âme, ma mère, je comptais sur une diversion.

CATHERINE.

Et vous avez résolu…

HENRI.

Rien encore… car les chances du combat sont incertaines… Si monsieur de Guise était tué… eh bien ! on enterrerait la Ligue avec son chef ; s’il ne l’était pas… alors je prierais Dieu de m’éclairer… mais, en tout cas, ma résolution une fois prise, je