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X

NICOLE LEGAY.


Gilbert avait passé tout le temps que dura l’interrogatoire de Balsamo dans des angoisses inexprimables.

Tapi sous la cage de l’escalier, parce qu’il n’osait plus monter jusqu’à la porte pour écouter ce qui se disait dans la chambre rouge, il avait fini par entrer dans un désespoir dont un éclat, grâce aux élans d’un caractère comme celui de Gilbert, devait, sans aucun doute, faire le dénouement.

Ce désespoir s’augmentait du sentiment de sa faiblesse et de son infériorité. Balsamo n’était qu’un homme. Car Gilbert, esprit fort, philosophe en herbe, croyait peu aux sorciers. Mais cet homme était fort, Gilbert était faible ; cet homme était brave, Gilbert ne l’était pas encore. Vingt fois Gilbert se souleva pour remonter l’escalier avec l’intention, le cas échéant, de tenir tête au baron. Vingt fois ses jambes tremblantes fléchirent sous lui et il retomba sur ses genoux.

Une idée lui vint alors, c’était d’aller chercher une échelle dont La Brie, qui était tout à la fois cuisinier, valet de chambre et jardinier, se servait pour palisser les jasmins et les chèvrefeuilles de la muraille. En l’appliquant contre la galerie de l’escalier, et parvenu là, il ne perdrait pas un des bruits révélateurs qu’il désirait si ardemment surprendre.

Il gagna donc l’antichambre, puis la cour, et courut à l’endroit où il savait trouver l’échelle couchée au pied de la muraille. Mais, comme il se baissait pour la ramasser, il lui sembla entendre quelque froissement du côté de la maison ; il se retourna.

Alors son œil dilaté dans l’obscurité crut voir passer à travers le cadre noir de la porte ouverte une forme humaine,