Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/224

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— Si bonnes qu’elles soient, elles se fatiguent cependant ; vous en avez la preuve.

— Oh ! ce ne sont pas les jambes qui ont failli, c’est l’espoir qui m’a manqué.

— En effet, il me semble vous avoir vu très désespéré.

Gilbert sourit amèrement.

— Que vous passait-il donc dans l’esprit ? vous vous frappiez la tête, vous vous arrachiez les cheveux.

— Croyez-vous, madame ? demanda Gilbert assez embarrassé.

— Oh ! je suis sûre ; c’est même votre désespoir qui a dû vous empêcher d’entendre la voiture.

Gilbert pensa qu’il ne serait pas mal de se grandir encore par le récit de la vérité même. Son instinct lui disait que sa position était intéressante, pour une femme surtout.

— J’étais en effet désespéré, dit-il.

— Et de quoi ? demanda la dame.

— De ne pouvoir plus suivre une voiture que je suivais.

— En vérité ! dit la jeune femme en souriant ; mais c’est donc une aventure. Y aurait-il de l’amour là-dessous ?

Gilbert n’était point encore assez maître de lui-même pour ne point rougir.

— Et quelle voiture était-ce, mon petit Caton ?

— Une voiture de la suite de la dauphine.

— Comment ! que dites-vous ? s’écria la jeune femme ; la dauphine est donc devant nous ?

— Sans doute.

— Je la croyais derrière, à Nancy à peine. Ne lui rend-on donc point d’honneurs sur la route ?

— Si fait, madame ; mais il paraît que Son Altesse est pressée.

— Pressée, la dauphine ; qui vous a dit cela ?

— Je le présume.

— Vous le présumez ?

— Oui.

— Et d’où vous vient cette présomption ?

— De ce qu’elle avait dit d’abord qu’elle se reposerait deux ou trois heures au château de Taverney.