Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Maroufle, dit le vicomte pâlissant de colère, sais-tu qui je suis ?

— Vicomte, criait la voix de Chon, vicomte, au nom du ciel ! pas de scandale !

— Tu as raison, ma bonne Chonchon, tu as raison.

Puis, après avoir réfléchi un instant :

— Allons, dit-il, pas de mots ; des faits…

Alors, se retournant vers l’hôte de l’air le plus charmant du monde :

— Mon cher ami, dit-il, je vais mettre votre responsabilité à couvert.

— Comment cela ? demanda l’hôte mal rassuré encore, malgré le visage gracieux de son interlocuteur.

— Je me servirai moi-même. Voici trois chevaux de taille parfaitement égale. Je les prends.

— Comment, vous les prenez !

— Oui.

— Et vous appelez cela mettre ma responsabilité à couvert ?

— Sans doute, vous ne les avez pas donnés, on vous les a pris.

— Mais je vous dis que c’est impossible.

— Çà voyons, où met-on les harnais ici ?

— Que personne ne bouge ! cria le maître de poste aux deux ou trois valets d’écurie qui vaquaient dans la cour et sous les hangars.

— Ah ! drôles !

— Jean ! mon cher Jean ! cria Chon, qui, par l’ouverture de la grande porte, voyait et entendait tout ce qui se passait. Pas de mauvaise affaire, mon ami ! en mission, il faut savoir souffrir.

— Tout, excepté le retard, dit Jean avec son plus beau flegme ; aussi, comme il me retarderait d’attendre que ces coquins-là m’aidassent à faire la besogne, je vais la faire moi-même.

Et, joignant l’effet à la menace, Jean détacha successivement de la muraille trois harnais, qu’il déposa sur le dos de trois chevaux.

— Par pitié, Jean ! cria Chon, joignant les mains, par pitié !