Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/279

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n’est pas comme lui ; elle ne demanderait pas mieux, elle.

Le roi se mit à rire.

— M. de Choiseul singe M. le dauphin, continua la comtesse encouragée. On ne veut pas se compromettre.

— M. le dauphin est un religieux, comtesse.

— Et M. de Choiseul est un tartufe, sire.

— Je vous dis, chère amie, que vous aurez le plaisir de le voir ici ; car je vais l’y appeler. C’est pour service d’État, il faudra bien qu’il vienne, et nous le ferons s’expliquer en présence de Chon qui a tout vu.. Nous confronterons, comme on dit au Palais, n’est-ce pas, Sartines ? Qu’on aille me chercher M. de Choiseul.

— Et moi, que l’on m’apporte mon sapajou, Dorée ; mon sapajou ! mon sapajou ! cria la comtesse.

À ces mots, qui s’adressaient à la femme de chambre rangeant dans un cabinet de toilette, et qui purent être entendus de l’antichambre, puisqu’ils furent prononcés juste au moment où la porte s’ouvrait devant l’huissier envoyé chez M. de Choiseul, une voix cassée répondit en grasseyant :

— Le sapajou de madame la comtesse, ce doit être moi ; je me présente, j’accours, me voilà !

Et l’on vit moelleusement entrer un petit bossu vêtu de la plus grande magnificence.

— Le duc de Tresmes ! s’écria la comtesse impatientée, mais je ne vous ai pas fait appeler, duc.

— Vous avez demandé votre sapajou, madame, dit le duc tout en saluant le roi, la comtesse et M. de Sartines, et comme je n’ai pas vu parmi tous les courtisans de plus laid singe que moi, je suis accouru.

Et le duc rit en montrant de si longues dents, que la comtesse ne put s’empêcher de rire aussi.

— Resterai-je ? demanda le duc, comme si c’eut été la faveur ambitionnée de toute sa vie.

— Demandez au roi, il est maître ici, monsieur le duc.

Le duc se tourna vers le roi d’un air suppliant.

— Restez, duc, restez, dit le roi, enchanté d’accumuler les distractions autour de lui.