Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/61

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— Non, madame : la personne qui est entrée dans l’intérieur de la caisse l’a détaché pour le rattacher à la roue de la voiture.

— Il ne lui est rien arrivé non plus, au cheval ?

— Je ne le crois pas.

— C’est une bête de prix et que j’aime beaucoup ; je voudrais m’assurer par moi-même qu’il est sain et sauf ; mais le moyen d’aller jusqu’à lui par cette boue ?

— Je puis amener le cheval ici, dit le jeune homme.

— Ah ! oui, s’écria la femme, faites cela, je vous prie, et je vous en serai tout à fait reconnaissante.

Le jeune homme s’approcha du cheval, qui releva la tête et hennit.

— Ne craignez rien, reprit la femme du cabriolet ; il est doux comme un agneau.

Puis, baissant la voix :

— Djérid ! Djérid ! murmura-t-elle.

L’animal connaissait sans doute cette voix pour être celle de sa maîtresse, car il allongea sa tête intelligente et ses naseaux fumants du côté du cabriolet.

Pendant ce temps le jeune homme le détachait.

Mais à peine eut-il senti sa longe aux mains inhabiles qui la tenaient, que d’une violente secousse il se fit libre et d’un seul bond se trouva à vingt pas de la voiture.

— Djérid ! répéta la femme de sa voix la plus caressante, ici, Djérid ! ici !

L’arabe secoua sa belle tête, aspira l’air bruyamment, et, tout en piaffant, comme s’il eût suivi une mesure musicale, il se rapprocha du cabriolet.

La femme sortit à moitié son corps des rideaux de cuir.

— Viens ici, Djérid, viens ! dit-elle.

Et l’animal, obéissant, vint présenter sa tête à la main qui s’avançait pour le flatter.

Alors, de cette main effilée, saisissant la crinière du cheval, et s’appuyant de l’autre sur le tablier du cabriolet, la jeune femme sauta en selle avec la légèreté de ces fantômes des ballades allemandes qui bondissent sur la croupe des chevaux et se cramponnent aux ceintures des voyageurs.