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Monsieur de Taverney n’avait point menti relativement à la médiocrité de cette chambre : l’ameublement répondait à celui des autres pièces du château.

Un lit de chêne, dont la couverture était de vieux damas vert jauni, comme les tentures à festons ; une table de chêne à pieds tordus ; une grande cheminée de pierre qui datait du temps de Louis XIII, et à qui le feu pouvait donner une certaine somptuosité l’hiver, mais à qui l’absence du feu donnait un aspect des plus tristes l’été, vide de chenets, vide d’ustensiles à feu, vide de bois, mais pleine en échange de vieilles gazelles ; tel était le mobilier dont Balsamo allait, pour une nuit, se trouver l’heureux propriétaire.

Nous y joindrons deux chaises et une armoire de bois peinte en gris avec des panneaux creusés.

Pendant que La Brie essayait de mettre un peu d’ordre dans cette chambre aérée par Nicole, qui s’était retirée chez elle cette opération faite, Balsamo, après avoir réveillé Althotas, rentrait dans la maison.

Arrivé en face de la porte d’Andrée, il s’arrêta pour écouter. Au moment où Andrée avait quitté la salle du souper, elle s’était aperçue qu’elle échappait à cette mystérieuse influence que le voyageur exerçait sur elle. Et, pour combattre jusqu’à ces pensées, elle s’était mise à son clavecin.

Les sons arrivaient jusqu’à Balsamo à travers la porte fermée.

Balsamo, comme nous l’avons dit, s’était arrêté devant cette porte.

Au bout d’un instant, il fit plusieurs gestes arrondis qu’on eût pu prendre pour une espèce de conjuration, et qui en étaient une sans doute, puisque, frappée d’une nouvelle sensation pareille à celle qu’elle avait déjà éprouvée, Andrée cessa lentement de jouer son air, laissa ses mains retomber immobiles à ses côtés, et se retourna vers la porte d’un mouvement lent et roide, pareil à celui d’une personne qui obéit à une influence étrangère et accomplit des choses qui ne lui sont pas commandées par son libre arbitre.

Balsamo sourit dans l’ombre, comme s’il eût pu voir à travers cette porte fermée.