Aller au contenu

Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Tous ceux qui vous connaissent, ma fille, sont au contraire comme moi.

Andrée s’inclina comme elle eût fait pour remercier un étranger ; car ces compliments, de la part de son père, commençaient à lui donner quelque inquiétude.

— Et, continua Taverney avec son même ton doucereux, et… le roi vous connaît, je suppose ?

Et tout en parlant, il dardait sur la jeune fille un regard dont l’inquisition était insupportable.

— Mais le roi me connaît à peine, répliqua Andrée le plus naturellement du monde, et je suis peu de chose pour lui, à ce que je présume.

Ces mots firent bondir le baron.

— Peu de chose ! s’écria-t-il ; mais, en vérité, je ne conçois rien à vos paroles, mademoiselle ; peu de chose ! par exemple, vous mettez un bien bas prix à votre personne.

Andrée regarda son père avec étonnement.

— Oui, oui, continua le baron, je le dis et je le répète, vous êtes d’une modestie qui va jusqu’à l’oubli de la dignité personnelle.

— Oh ! monsieur, vous exagérez tout : le roi s’est intéressé aux malheurs de notre famille, c’est vrai ; le roi a daigné faire quelque chose pour nous ; mais il y a tant d’infortunes autour du trône de Sa Majesté, il s’échappe tant de largesses de sa main royale, que l’oubli devait nécessairement nous envelopper après le bienfait.

Taverney regarda fixement sa fille, et non sans une certaine admiration de sa réserve et de sa discrétion impénétrables.

— Voyons, lui dit-il en se rapprochant d’elle, voyons, ma chère Andrée, votre père sera le premier solliciteur qui s’adresse à vous, et, à ce titre, j’espère que vous ne le repousserez pas.

Andrée, à son tour, regarda son père en femme qui demande une explication.

— Voyons, continua-t-il, nous vous en prions tous, intercédez pour nous, faites quelque chose pour votre famille…