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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/12

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réfléchît, il n’en avait garde, c’eût été un crime, mais parce que sa page étant remplie et l’encre encore fraîche, il fallait attendre pour continuer.

M. de Sartine, impatient, lui arracha la feuille des mains et lut.

Au dernier paragraphe, une telle expression de frayeur se peignit sur tous ses traits, qu’il pâlit de se voir pâlir dans la glace de son armoire.

Il ne rendit pas la feuille au commis, mais il lui en passa une toute blanche.

Le commis recommença à écrire, à mesure qu’il déchiffrait, ce qu’il exécutait au reste avec une facilité effrayante pour les faiseurs de chiffres. Cette fois, M. de Sartine lut par-dessus son épaule.

Il lut donc :

§

« Se défaire à Paris du nom de Balsamo, qui commence à être trop connu, pour prendre celui du comte de Fœ… »

Le reste du mot était enseveli dans une tache d’encre.

Au moment où M. de Sartine cherchait les syllabes absentes qui devaient composer le mot, la sonnette retentit à l’extérieur, et un valet entra annonçant :

— M. le comte de Fœnix.

M. de Sartine poussa un cri, et au risque de démolir l’édifice harmonieux de sa perruque, il joignit les mains au-dessus de sa tête, et se hâta de congédier son commis par une porte dérobée.

Puis, reprenant sa place devant son bureau, il dit au valet :

— Introduisez !

Quelques secondes après, dans sa glace, M. de Sartine aperçut le profil sévère du comte que, déjà, il avait entrevu à la cour le jour de la présentation de madame du Barry.

Balsamo entra sans hésitation aucune.

M. de Sartine se leva, fit une froide révérence au comte, et, croisant une jambe sur l’autre, il s’adossa cérémonieusement à son fauteuil.