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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/163

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trouver, je vais l’appeler mon frère. Tu ne dis rien ; mais un mariage entre toi et lui est donc impossible ? est-ce cela que tu veux dire ? Eh bien, soit, je me résignerai, je garderai toute ma douleur pour moi, j’étoufferai cette voix impérieuse de l’honneur qui demande du sang. Je n’exige plus rien de toi, pas même le nom de cet homme. Soit, cet homme t’a plu, il m’est cher… Eh bien, seulement, nous quitterons la France, nous fuirons ensemble. Le roi t’a fait don d’une riche parure, à ce qu’on m’a dit ; eh bien, nous la vendrons ; nous enverrons la moitié du prix à notre père, puis, avec l’autre, nous vivrons ignorés ; je serai tout pour toi, Andrée. Tu seras tout pour moi. Moi, moi, je n’aime personne ; tu vois que je te suis dévoué. Andrée, tu vois ce que je fais ; tu vois que tu peux compter sur mon amitié ; voyons, me refuseras-tu encore ta confiance, après ce que je viens de dire ? Voyons, voyons, ne m’appelleras-tu pas ton frère ?

Andrée avait écouté en silence tout ce que venait de dire le jeune homme éperdu.

Le battement de son cœur indiquait seul la vie ; son regard seul indiquait la raison.

— Philippe, dit-elle après un long silence, tu as pensé que je ne t’aimais plus, pauvre frère ; tu as pensé que j’avais aimé un autre homme ; tu as pensé que j’avais oublié la loi de l’honneur, moi, qui suis fille noble et qui comprends tous les devoirs que ce mot m’impose pour les erreurs !… Mon ami, je te le pardonne ; oui, oui, en vain m’as-tu crue infâme, en vain m’as-tu appelée lâche ; oui, oui, je te pardonne, mais je ne te pardonnerai pas si tu me crois assez impie, assez vile pour te faire un faux serment. Je te jure, Philippe, par le Dieu qui m’entend, par l’âme de ma mère, qui ne m’a point assez protégée, hélas ! à ce qu’il paraît ; je te jure, par mon ardent amour pour toi, que jamais une pensée d’amour n’a distrait ma raison ; que jamais homme ne m’a dit : « Je t’aime », que jamais bouche ne m’a baisé la main ; que je suis pure d’esprit, vierge de désirs, et cela comme au jour de ma naissance. Maintenant, Philippe, maintenant Dieu ait mon âme, tu tiens mon corps entre tes mains.