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CLIV

RESOLUTION.


Comment Gilbert rentra chez lui, comment il put, sans expirer de douleur et de rage, supporter les angoisses de la nuit, comment il ne se releva pas tout au moins avec des cheveux blancs, voilà ce que nous n’entreprendrons pas d’expliquer au lecteur.

Le jour venu, Gilbert se sentit un violent désir d’écrire à Andrée pour lui dire tous les arguments si solides, si pleins de probité que la nuit avait fait jaillir de son cerveau ; mais en trop de circonstances déjà il avait expérimenté le caractère inflexible de la jeune fille, il ne lui restait plus aucune espérance. Écrire, d’ailleurs, était une concession qui répugnait à sa fierté. Pensant que sa lettre serait froissée, jetée sans être lue peut-être ; songeant qu’elle ne servirait qu’à mettre sur ses traces une meute d’ennemis acharnés, inintelligents, ce fut une raison pour qu’il n’écrivît pas.

Gilbert pensa alors que sa démarche pouvait être mieux reçue du père, qui était un avare et un ambitieux ; du frère, qui était un homme de cœur, et dont le premier mouvement seul était à craindre.

— Mais, se dit-il, à quoi bon être soutenu par M. de Taverney ou par M. Philippe, lorsque Andrée me poursuivra de son éternel : « Je ne vous connais pas !… » C’est bien, ajouta-t-il en lui-même ; rien ne m’attache plus à cette femme ; elle-même a pris soin de briser les liens qui nous unissaient.

Il disait cela en se roulant de douleur sur son matelas, en se rappelant avec rage les moindres détails de la voix, de la figure d’Andrée ; il disait cela en souffrant une torture inexprimable, car il aimait éperdument.