Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/277

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Louis sépara les deux infortunés avec une douce violence, replaça Andrée sur le fauteuil, conduisit Philippe dans la chambre, dont il tira les verrous qui gardaient la chambre d’Andrée, puis, fermant les rideaux, les portes, il ensevelit ainsi en la concentrant dans cette seule chambre toute la scène qui allait se passer du médecin à la femme, de Dieu à tous les deux.

À trois heures du matin, le docteur ouvrit la porte derrière laquelle pleurait et suppliait Philippe.

— Votre sœur a donné le jour à un fils, dit-il.

Philippe joignit les mains.

— N’entrez pas, dit le médecin, elle dort.

— Elle dort… Oh ! docteur, est-ce bien vrai, qu’elle dort ?

— S’il en était autrement, monsieur, je vous dirais : « Votre sœur a donné le jour à un fils, mais ce fils a perdu sa mère… » Voyez, d’ailleurs.

Philippe avança la tête.

— Écoutez sa respiration…

— Oui ! oh ! oui ! murmura Philippe en embrassant le médecin.

— Maintenant, vous savez que nous avons retenu une nourrice. J’avais, en passant au Point-du-Jour, où demeure cette femme, prévenu pour qu’elle se tînt prête… Mais c’est vous seul qui pouvez l’amener ici ; c’est vous seul qu’il faut qu’on voie… Profitez donc du sommeil de la malade, et partez avec la voiture qui m’a amené.

— Mais vous, docteur ? vous ?…

— Moi, j’ai Place-Royale un malade à peu près désespéré… une pleurésie… Je veux achever la nuit près de son lit, afin de surveiller l’emploi des remèdes et leur résultat.

— Le froid, docteur…

— J’ai mon manteau.

— La ville est peu sûre.

— Vingt fois, depuis vingt ans, on m’a arrêté la nuit. J’ai toujours, répondu : « Mon ami, je suis médecin, et je me rends chez un malade… Voulez-vous mon manteau ? prenez-le ; mais ne me tuez pas, car sans moi mon malade mourrait. »