— Oui.
— Et quand me le donnerez-vous ?
— Oh ! nous ne sommes pas pressés. Vous me le demanderez dans vingt ans, belle comtesse. Maintenant, je pense que vous n’avez pas envie de redevenir enfant.
— Vous êtes un homme charmant, en vérité ; mais une dernière question et je vous laisse, car vous me semblez fort pressé.
— Parlez, comtesse.
— Vous m’avez dit que quelqu’un vous avait trahi : est-ce un homme ou une femme ?
— C’est une femme.
— Ah ! ah ! comte : de l’amour !
— Hélas ! oui, doublé d’une jalousie qui va jusqu’à la rage, et qui produit les beaux effets que vous avez vus ; voilà une femme qui, n’osant me donner un coup de couteau, parce qu’elle sait qu’on ne me tue pas, a voulu me faire enterrer dans une prison ou me ruiner.
— Comment, vous ruiner ?
— Elle le croyait du moins.
— Comte, je fais arrêter, dit la comtesse en riant. Est-ce donc au vif-argent qui court dans vos veines que vous devez cette immortalité qui fait qu’on vous dénonce au lieu de vous tuer ? Faut-il que je vous descende ici ou que je vous reconduise chez vous ?
— Non, madame ; ce serait trop de bonté à vous que de vous déranger pour moi de votre chemin. J’ai là mon cheval Djérid.
— Ah ! ce merveilleux animal qui dépasse, dit-on, le vent à la course ?
— Je vois qu’il vous plaît, madame.
— C’est un magnifique coursier, en effet.
— Permettez-moi de vous l’offrir, à cette condition que vous le monterez seule.
— Oh ! non, merci ; je ne monte pas à cheval, ou du moins j’y monte fort timidement. Votre intention a donc pour moi