— Volé ! j’ai volé, moi ?
— Tu as volé l’enfant.
— C’est mon fils ! il est à moi ! On ne vole pas, monsieur, quand on reprend son propre bien.
— Écoute, dit Philippe frémissant de colère, tout à l’heure l’idée m’est venue de te tuer. Je l’avais juré, j’en avais le droit.
Gilbert ne répondit pas.
— Maintenant, Dieu m’éclaire. Dieu t’a jeté sur mon chemin comme pour me dire : La vengeance est inutile ; on ne doit se venger que quand on est abandonné de Dieu… Je ne te tuerai pas ; je détruirai seulement l’édifice de malheur que tu as échafaudé. Cet enfant est ta ressource pour l’avenir, tu vas tout à l’heure me rendre cet enfant.
— Mais je ne l’ai pas, dit Gilbert. On n’emmène pas en mer un enfant de quinze jours.
— Il a bien fallu que tu lui trouves une nourrice : pourquoi n’aurais-tu pas emmené la nourrice ?
— Je vous dis que je n’ai pas emmené l’enfant.
— Alors tu l’as laissé en France ? À quel endroit l’as-tu laissé ?
Gilbert se tut.
— Réponds ! où l’as-tu mis en nourrice, et avec quelles ressources ?
Gilbert se tut.
— Ah ! misérable, tu me braves ! dit Philippe ; tu ne crains donc pas de réveiller ma colère… Veux-tu me dire où est l’enfant de ma sœur ? Veux-tu me rendre cet enfant ?
— Mon enfant est à moi, murmura Gilbert.
— Scélérat ! Tu vois bien que tu veux mourir !
— Je ne veux pas rendre mon enfant.
— Gilbert, écoute, je te parle avec douceur ; Gilbert, j’essaierai d’oublier le passé, j’essaierai de te pardonner ; Gilbert, tu comprends ma générosité, n’est-ce pas ?… Je te pardonne ! Tout ce que tu as jeté de honte et de malheur, sur notre maison, je te le pardonne ; c’est un grand sacrifice… Rends-moi cet enfant. Veux-tu plus ?… Veux-tu que j’essaie de