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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/43

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Balsamo ne put résister plus longtemps ; un nuage de flamme l’enveloppait.

— Oh ! dit-il, c’en est trop ; aussi longtemps qu’un être humain peut lutter, je l’ai fait ; démon ou ange de l’avenir, qui que tu sois, tu dois être content : j’ai sacrifié assez longtemps à l’égoïsme et à l’orgueil toutes les passions généreuses qui bouillonnent en moi. Oh ! non, non, je n’ai pas le droit de me révolter ainsi contre le seul sentiment humain qui fermente au fond de mon cœur. J’aime cette femme, je l’aime, et cet amour passionné fait contre elle plus que ne ferait la haine la plus terrible. Cet amour lui donne la mort ; oh ! lâche, oh ! fou féroce que je suis ; je ne sais pas même composer avec mes désirs. Quoi ! lorsque je m’apprêterai à paraître devant Dieu ; moi, le trompeur, moi, le faux prophète, lorsque je dépouillerai mon manteau d’artifice et d’hypocrisie devant le souverain juge, je n’aurai pas une seule action généreuse à m’avouer, pas un seul bonheur dont le souvenir vienne me consoler au milieu des souffrances éternelles !

« Oh ! non, non, Lorenza, je sais bien qu’en t’aimant, je perds l’avenir ; je sais bien que mon ange révélateur va remonter aux cieux dès que la femme descendra dans mes bras.

« Mais tu le veux, Lorenza, tu le veux !

— Mon bien-aimé ! soupira-t-elle.

— Alors tu acceptes cette vie, au lieu de la vie réelle ?

— Je la demande à deux genoux, je prie, je supplie ; cette vie, c’est l’amour, c’est le bonheur.

— Et elle te suffira, une fois ma femme, car je l’aime ardemment, vois-tu.

— Oh ! je le sais, puisque je lis dans ton cœur.

— Et jamais tu ne m’accuseras, ni devant les hommes ni devant Dieu, d’avoir surpris ta volonté, d’avoir trompé ton cœur ?

— Jamais, jamais ! oh ! devant les hommes, devant Dieu, au contraire, je te remercierai de m’avoir donné l’amour, le seul bien, la seule perle, le seul diamant de ce monde.

— Jamais tu ne regretteras tes ailes, pauvre colombe ? car, sache-le bien, tu n’iras plus désormais dans les espaces radieux