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LA REINE MARGOT.

— En deux mots, voici : le roi de Navarre est amoureux et ne veux pas de moi. Je ne suis pas amoureuse ; mais je ne veux pas de lui. Cependant il faudrait que nous changeassions d’idée l’un et l’autre, ou que nous eussions l’air d’en changer d’ici à demain.

— Eh bien ! change, toi ! et tu peux être sûre qu’il changera, lui !

— Justement, voilà l’impossible ; car je suis moins disposée à changer que jamais.

— À l’égard de ton mari seulement, j’espère ?

— Henriette, j’ai un scrupule.

— Un scrupule de quoi ?

— De religion. Fais-tu une différence entre les huguenots et les catholiques ?

— En politique ?

— Oui.

— Sans doute.

— Mais en amour ?

— Ma chère amie, nous autres femmes, nous sommes tellement païennes, qu’en fait de sectes, nous les admettons toutes ; qu’en fait de dieux, nous en reconnaissons plusieurs.

— En un seul, n’est-ce pas ?

— Oui, dit la duchesse avec un regard étincelant de paganisme ; oui, celui qui s’appelle Eros, Cupido, Amor ; oui, celui qui a carquois, un bandeau et des ailes… Mordi ! vive la dévotion !

— Cependant tu as une manière de prier qui est exclusive ; tu jettes des pierres sur la tête des huguenots.

— Faisons bien et laissons dire… Ah ! Marguerite comme les meilleures idées, comme les plus belles actions se travestissent en passant par la bouche du vulgaire !

— Le vulgaire !… Mais c’est mon frère Charles qui te félicitait, ce me semble ?

— Ton frère Charles, Marguerite, est un grand chasseur qui sonne du cor toute la journée, ce qui le rend fort maigre… Je récuse donc jusqu’à ses compliments. D’ailleurs je lui ai répondu, à ton frère Charles… N’as-tu pas entendu ma réponse ?

— Non, tu parlais si bas !

— Tant mieux, j’aurai plus de nouveau à t’apprendre. Çà ! la fin de ta confidence, Marguerite ?